5 juil. 2013

Témoignage de Barbara Anderson (extraits)


Une Béthélite découvre l'ampleur du problème de la pédophilie dans l'organisation des Témoins de Jéhovah


Barbara et Joe Anderson ont fait partie du personnel de la Watchtower à Brooklyn, au Siège Mondial des Témoins de Jéhovah, de 1982 à 1992. Durant les trois dernières années, Barbara a travaillé dans le département de la Rédaction en tant que responsable de la recherche pour l'écriture du livre “Les Témoins de Jéhovah, Prédicateurs du Royaume de Dieu”, publié en 1993 et qui retrace l'histoire officielle de la Watchtower. Ses recherches ont également contribué à l'élaboration de nombreux articles de Réveillez-vous! traitant de certains aspects de la vie de famille. Lorsqu'elle s'est vue confier la responsabilité de répondre à des courriers sensibles, Barbara n'a pas tardé à découvrir la récurrence d'un grave problème de pédophilie au sein de l'organisation. Au lieu de reconnaître l'ampleur du phénomène et de prendre des mesures à la hauteur de l'enjeu, les responsables du Collège Central ont choisi de continuer d'appliquer des règles inappropriées à ce type de crime, comme celle des “deux témoins” et la gestion en interne des accusations d'agressions. Barbara Anderson se trouvait devant un dilemme crucial : écouter sa conscience et son cœur de mère et briser le silence en dévoilant au grand jour les informations dont elle disposait, afin de protéger des milliers de nouvelles victimes potentielles, ou montrer sa loyauté au système “théocratique” en place.



Un choix qui change la vie

Je suis née en 1940 à Long Island, New York, au sein d'une famille polonaise et catholique. Alors que j'étais une jeune fille de 14 ans, inexpérimentée et insatisfaite, j'ai fait un choix qui a déterminé  le cours des 44 années qui s'ensuivraient, en rejoignant les rangs des Témoins de Jéhovah. Mettant de côté ma passion pour l'étude de l'archéologie, afin de ne pas laisser interférer de hautes études avec mon engagement religieux, j'ai choisi mes amis puis mon conjoint au sein  au sein de l'organisation.

(...)

Joe avait 16 ans lorsque ses parents déménagèrent à Dallas, Texas, et dès lors sa  mère commença à assister aux réunions de la congrégation locale. Son père, un alcoolique  peu engageant, se désintéressait totalement des Témoins. La camaraderie que Joe trouvait dans la congrégation  lui plut ; ses deux sœurs quittèrent le groupe mais lui se joignit aux autres Témoins et  s'engagea dans le service de pionnier pour trois ans, dans la région de Dallas. A cette  époque, les pionniers devaient effectuer cent heures par mois dans l'activité de prédication.   En 1956, Joe entra en tant que travailleur bénévole au Béthel de Brooklyn  Heights, connu comme le siège mondial des Témoins de Jéhovah, sous l'enseigne de la Watch Tower Bible and Tract Society. De 1956 à 1959, Joe y fut employé comme opérateur sur presses au service Imprimerie. C'était son travail au moment lorsque je fis sa connaissance en 1958. Après notre mariage en novembre 1959, nous avons effectué le service de pionnier à West Palm Beach, Floride, jusqu'à ce que je tombe enceinte de notre fils, Lance, né le 14 septembre 1961.

Une dévotion sans faille

Mon mari servait comme surveillant président (président du collège des anciens) dans la congrégation que nous fréquentions et s'efforçait d'être un exemple pour le troupeau, non seulement en donnant des discours, mais également en s'activant dans le service puisque qu'il a été pionnier pendant vingt-cinq ans. Nous étions un couple de croyants zélés et au cours des ans nous avons converti environ quatre-vingt personnes. En 1974, notre famille déménagea pour le Tennessee, pour former une nouvelle congrégation en compagnie de quelques dizaines d'autres Témoins du sud de la Floride.

               Au tout début j'avais foi en la théologie de la société Watchtower et je me laissais influencer car elle semblait posséder les réponses à toutes les questions et particulièrement celles, si cruciales, ayant trait à la vie, à la mort, à la guerre et la paix en ces temps d'instabilité et d'insécurité qu'étaient les années 1950, années "d'abris anti-aériens et de guerre froide". Le temps passant j'étais convaincue d'avoir fait le bon choix, particulièrement en voyant les conditions de détresse mondiale empirer sur toute la terre, ce que les Témoins proclamaient comme étant le signe de la fin imminente du monde.

               Dès le milieu des années 1960, de nombreux discours émanant des responsables de l'organisation attirèrent l'attention sur 1975, année annonçant à leurs yeux la fin du système de chose. Soucieux de faire plus pour Dieu, en 1968, Joe quitta son emploi auprès de la "Florida Power and Light Company" et nous avons pris un travail à temps partiel tous les deux afin de reprendre, une nouvelle fois, le service de pionnier. Joe servit comme pionnier pendant trois ans, et moi-même pendant une année, ensuite un mois sur deux quand je le pouvais. Bien que la date de 1975 présentée par les Témoins de Jéhovah pour la venue de l'Apocalypse passa, nous n'avions pas le sentiment d'en avoir trop fait ni le désir de jeter l'éponge.

Une invitation pressante pour servir comme volontaire

En 1982 la société Watchtower nous a invités, Joe et moi, à nous joindre aux membres du Béthel de Brooklyn, comme volontaires ; nous disposions du gîte et du couvert ainsi que d'une petite allocation en échange de notre travail. Une année avant ses dix-neuf ans, Lance, notre fils, a demandé à travailler comme volontaire au Béthel et sa demande a été acceptée. Il a été affecté à l'un des nombreux ateliers de productions de la société Watchtower, à Brooklyn, pour l'entretien d'une des presses d'imprimerie ultra rapides, qui produisait annuellement quelques millions de "Tour de Garde" (le principal périodique religieux).

               Si nous avons été invités à venir travailler au Béthel de Brooklyn, c'est à cause de la profession de mon mari. En effet, lorsque nous avons rendu visite à notre fils en mars 1982, Joe a rencontré Richard Wheelock, un haut responsable de l'imprimerie de la société Watchtower, avec qui il avait travaillé en 1950. En découvrant que Joe était plombier, Richard fit tout ce qui était en son pouvoir pour nous faire inviter à travailler et vivre au quartier général. Malheureusement, huit ans plus tard, le 25 juillet 1990, à l'âge de soixante-quinze ans, Richard Wheelock se suicida en sautant du 3e étage de l'immeuble où il vivait. Il souffrait d'une profonde dépression provoquée par le décès de son épouse, survenu cinq années auparavant.

(…)

               En 1989, j'ai été transférée au département de la rédaction en tant qu'assistante de recherche du responsable du personnel de rédaction, Karl Adams. Il était en train d'écrire l'histoire de notre religion qui devint finalement une chronique de sept cent cinquante pages intitulée Les Témoins de Jéhovah - Prédicateurs du Royaume de Dieu, publiée en 1993.

Un autre responsable de la rédaction, David Iannelli fut affecté pour travailler avec Karl, à la rédaction du livre. Au cours de ma première journée au département de la rédaction, David m'aperçut, seule, dans la bibliothèque du département de rédaction et vint vers moi pour parler. Je me rappelle clairement lui avoir dit combien j'étais enchantée d'avoir été transférée à la rédaction. Il me dit que les Béthélites étaient prêt à "tuer" pour avoir ce travail. Je pensais comprendre ce qu'il sous-entendait et je souris.

Tous ceux qui vivent au Béthel ont été choisis pour faire partie du personnel en raison de leurs excellentes qualités "spirituelles" démontrées dans leur participation au travail d'évangélisation. Au lieu d'exercer un travail de type séculaire dans le cadre du Béthel, la plupart des Béthélites auraient préféré passer leurs journées en étant totalement immergé dans un emploi "spirituel". Le département de la rédaction était le centre de toutes les activités du Béthel parce que la littérature de la Watchtower représentait la colonne vertébrale de cette religion; donc je savais qu'un emploi au département de la rédaction était un poste très convoité. David avait remarqué mon sourire et il répéta ses mots, avec plus de conviction. Il déclara, "Je sais que des Béthélites iraient jusqu'à tuer pour le poste que l'on t'a octroyé, ne l'oublie pas!"

Troublée par sa déclaration et reprenant mon sérieux, je discutais brièvement avec lui avant de reprendre mon chemin pour sortir de la bibliothèque, perdue dans mes pensées et me demandant la raison première de mon affectation auprès de Karl. Je me rappelais les mots de David bien plus tard, alors que je me demandais ce que j'avais bien pu commettre de mal aux yeux de Dieu pour avoir été transférée dans ce département. Oui, je travaillais avec des personnes extraordinairement bonnes, personnes que je considérais comme mes amis. Mais derrière ce tableau idyllique, certains me souhaitaient du mal et essayaient de saboter mon travail parce qu'ils voulaient prendre ma place  ou bien me voir déguerpir, de peur que je ne découvre leur malhonnêteté. Naïve, j'excusais ces personnes amicales et serviables, en apparence du moins ; peu de temps après, elles m'entraînèrent à commettre un faux pas qui me valut des reproches de Karl.

Environ deux ans plus tard, une situation particulièrement difficile au sein de la rédaction entraîna le déplacement d'une jeune femme du département ; Karl me déclara qu'elle n'était pas l'amie que je voyais en elle, mais qu'elle m'en voulait d'occuper un poste tant convoité par elle. David n'était pas loin du compte, certaines personnes auraient été prêtes à “tuer” pour prendre mon poste ! En dépit de ces quelques aspects négatifs, le travail journalier au département de la rédaction était excitant; mon travail était un défi permanent rempli d'activités variées. Chaque semaine, Karl me donnait une liste de questions pour lesquelles il désirait une réponse, la plupart concernant l'histoire des débuts de la Watchtower Bible and Tract Society, dont les origines remontent en 1879. Pour ce faire, j'ai lu de nombreux documents qui touchaient à ma religion. Souvent, alors que je recherchais quelque chose de bien spécifique, je découvrais d'autres documents archivés depuis longtemps dans de vieux meubles à différentes places et totalement oubliés.

Des découvertes surprenantes

Je fis une découverte étonnante, c'est en fait William H. Conley, d'Allegheny, banquier de Pennsylvanie – et non Charles Taze Russell – qui a été le premier président de la Watch Tower, association créée en 1881. C'était une découverte palpitante, car personne au siège principal ne savait que Conley était le premier président, ou que le père de Russell, Joseph, en était le vice-président et Charles Taze Russell le secrétaire trésorier. La nomination dépendait du nombre d'actions, de $10.00 pièce, détenues par chacun. Comme j'ai transmis le document presque immédiatement, je ne suis pas certaine du nombre exact d'actions achetées par Conley, mais je pense qu'il s'agissait de 350 actions pour $3,500. Cependant, je me rappelle que Joseph Lytel Russell acheta 100 actions pour $1,000.00 et Charles Taze Russell 50 actions pour $500.00. Quand j'ai regardé, plus tard, à la page 576 du nouveau livre de l'histoire des Témoins mentionnant les informations concernant Conley, j'ai constaté que, curieusement, Karl Adams n'avait pas inclus le fait que Joseph Russell était vice- président. Le nombre d'actions détenues par chacune des trois personnes n'était pas indiqué.

(…)

A la bibliothèque du service juridique j'ai découvert deux volumes contenant la retranscription du procès-verbal du procès pour diffamation intenté en octobre 1940 par Olin R. Moyle contre douze cadres de la Watch Tower, ainsi que la Watch Tower Bible and Tract Society, Inc. of Pennsylvania et la Watch Tower Bible and Tract Society, Inc., of New York. En parcourant les livres, je m'aperçus que Moyle gagna son procès et la cour lui attribua trente mille dollars de dommages. J'ai apporté les volumes à Karl Adams qui a manifesté de la surprise en voyant ma découverte. Il a déclaré n'avoir pas eu connaissance du procès Moyle, jugé en 1943. J'ai eu de la peine à croire que Karl n'ait pas entendu parler de cette affaire, car au moment des faits il avait 14 ans, et il a rejoint le personnel de la Watchtower quelques années après, alors que le verdict concernant Moyle était encore un sujet délicat, bien présent dans les mémoires des Témoins.

 Compte tenu de l'importance que joua le procès Moyle dans l'histoire des Témoins de Jéhovah, je n'ai pas de réponse permettant d'expliquer l'absence de mention de ce procès dans le livre retraçant l'histoire des Témoins. Peu après mon départ du Béthel, deux Témoins, des anciens très en vue, ainsi que leurs épouses, m'ont posé la même question alors que je visitais Burbank, en Californie. La raison qui leur avait fait accepter l'invitation à dîner tenait dans le fait de pouvoir s'entretenir de mon important travail de recherches qui les fascinait tant.

 Ce soir-là, j'ai rencontré George Kelly, témoin de longue date, qui avait été le secrétaire personnel, au Béthel, de l'avocat très connu des Témoins, Hayden C. Covington (Sur 138 cas présentés devant la cour suprême des Etats-Unis, au nom des Témoins, Covington en a défendu cent onze). Olin Moyle a été l'avocat de la société Watch Tower depuis 1935, jusqu'à ce que Rutherford l'évince en 1939. Il a été remplacé par Covington qui est intervenu en qualité d'avocat représentant la société en 1940, dans le procès opposant Minersville School District contre Gobitis, suite au refus d'obtempérer à l'obligation, dans les écoles publiques, de saluer le drapeau.

 L'autre homme accompagnant Kelly, Lyle Reusch, était lui aussi un ancien bien en vue à Burbank, représentant spécial pendant de longues années aux Etats-Unis de la société Watchtower, ministre à temps plein en juin 1935 lors de son entrée au Béthel. Les deux hommes ont fait part de leur étonnement et de leur mécontentement de ne pas voir figurer le procès de Moyle dans le livre édité en 1993 sur l'histoire des Témoins. Avant et à l'époque du procès de Moyle, Kelly et Reusch étaient étroitement associés avec la société Watch Tower. Ils m'ont dit qu'ils étaient curieux de savoir comment l'auteur du livre aurait présenté l'épisode, peu reluisant, des responsables de la Watch Tower, spécialement Rutherford diffamant leur propre avocat Témoin dans le magazine La Tour de Garde.

 Selon la transcription du procès, les problèmes de Moyle ont commencé peu après que ce dernier ait écrit une lettre personnelle à Rutherford [consultable sur http://nicodemes.blogspot.fr/2011/03/lettre-de-olin-moyle-joseph-rutherford.html] afin de lui exprimer son aversion quant à sa consommation excessive d'alcool et son comportement extrêmement abusif envers autrui, comportement dont il a été témoin oculaire, sans compter les plaintes entendues ici et là. Arthur Worsley, membre du Béthel pendant de longues années et bien connu de Kelly et Reusch, était l'une de ces personnes qui se sont plaintes auprès de Moyle des humiliations infligées par Rutherford. Ce dernier a été si outré par les critiques de Moyle qu'il a chassé celui-ci et son épouse du Béthel et fait placer leurs effets personnels sur le trottoir. Moyle a été choqué par le traitement, mais les faits démontrent qu'il n'a en tout cas pas réagi. Non contents d'avoir expulsé Moyle du Béthel, Rutherford et ses associés ont calomnié de façon éhontée la personnalité de Moyle dans La Tour de Garde, amenant Moyle à déposer une plainte pour diffamation contre toutes les parties responsables.

 Je mentionnais par la suite, à Kelly et Reusch, le nom d'Arthur Worsley. Nous avons parlé de la part prise par Arthur dans le procès Moyle, et tous deux ont admis qu'il avait présenté un faux témoignage lors de son interrogatoire. Je leur ai dit qu'après avoir lu la transcription de Moyle, j'avais parlé avec Arthur, un bon ami, à propos de son témoignage défendant la Watch Tower. Olin Moyle a raconté qu'un matin, dans la salle à manger du Béthel, Rutherford avait publiquement et de façon injustifiée accusé Arthur. Plus tard Arthur s'en était plaint auprès de Moyle et lui avait dit combien l'incident l'avait humilié. Cependant, devant la cour, Arthur déclara que Rutherford avait vraisemblablement eu raison en le reprenant. Il indiqua également que la remarque n'était pas hors de propos, et au plus grand étonnement de Moyle, il rajouta qu'il n'avait de ce fait aucune plainte à émettre.

 Pourtant, lorsqu'Arthur nous avait parlé de l'incident survenu dans la salle à manger, il en voulait toujours à Rutherford de l'avoir humilié. Nous lui avions demandé pour quelle raison il avait témoigné, sous serment, n'avoir jamais entendu de langage ordurier à la table du Béthel, et pourquoi il avait nié que les liqueurs occupaient la place d'honneur, alors qu'en fait il nous avait affirmé le contraire. Apparemment contrarié, Arthur répliqua que Rutherford l'aurait chassé du Béthel si son témoignage avait corroboré les déclarations de Moyle. Et comme il ne savait pas où aller, il avait menti à la cour.

 Mais cela ne servit à rien, car après avoir entendu les divers témoignages, la cour condamna Rutherford et les autres responsables de la Watch Tower pour diffamation. Arthur nous rapporta que les responsables étaient tellement en colère contre Moyle qu'ils payèrent les trente mille dollars de dommages en pièces d'argent, le traitant de "Judas".

 En taisant volontairement l'affaire Moyle, la Watchtower a occulté un épisode particulièrement choquant et déplaisant, dont elle ne ressort pas blanchie, offrant une image très éloignée de celle que le livre “Proclamateurs du Royaume” tente de laisser, à savoir, celle d'une organisation sans taches. En des termes dépourvus de toute ambiguïté, les Témoins présents ce soir-là firent part de leur désapprobation quant à l'omission, dans l'ouvrage cité, de l'affaire Moyle, et au travail de révisionnisme initié par les responsables actuels de la Watchtower, afin de présenter une histoire non ternie par les scandales, les erreurs, mais à contrario, comme son avant-propos le déclare, "objective et quelque peu candide".

 (…)

Des gens inoubliables

Lorsque j'ai appris que je ferai partie du personnel du département de la rédaction, j'ai  considéré qu'être associée quotidiennement avec les hommes les plus spirituels du Béthel,  hommes chargés de nourrir le troupeau, en prise directe avec les dernières mises au point tirées des  Ecritures, représentait un grand privilège. Trois membres du Collège central, soit Lloyd  Barry, Jack Barr et Karl Klein, occupaient les postes de directeurs de la rédaction. Lloyd  Barry, diplômé ès science, était l'éminence grise du département (c'est sous son égide, en  1992, que la société est devenue plus conciliante quant à la poursuite d'études supérieures  par les jeunes Témoins; position qui a été modifiée en 2005). J'aimais bien Lloyd. Un jour, je  lui ai dit mon plaisir de pouvoir lire la correspondance de l'ancien Béthel de Nouvelle- Zélande. Il a voulu savoir, sur le champ, pour quelle raison j'avais accès à cette  documentation. Sur le moment il avait oublié que je lisais ces documents au même titre que  Karl Adams, dans le cadre de recherches afin de préparer la rédaction du nouveau livre de  l'histoire des Témoins de Jéhovah. Quand je lui ai rappelé ce fait, il a ri.

(…)

Harry Peloyan, responsable principal du personnel de la rédaction, coordinateur et rédacteur du magazine Réveillez-vous! devint un de nos meilleurs amis. Harry était diplômé de Harvard et membre du personnel depuis 1957. Sous des cheveux gris se cachaient un esprit vif et une intelligence sur laquelle l'âge n'avait pas d'emprise. Il s'était converti alors qu'il était un jeune adulte et restait une personne talentueuse et charismatique; sa conversion lui avait coûté, tant sur le plan matériel, il avait laissé une carrière bien rémunérée pour aller au Béthel, que sur le plan familial, son père, riche, l'avait déshérité parce qu'il n'avait pas voulu abandonner sa nouvelle religion. Harry est toujours intimement convaincu que seuls les Témoins possèdent "la vérité". Cependant, au fil de nos conversations je me rendis compte que son opinion et ses croyances n'étaient pas coulées dans le bronze et qu'il pourrait changer son point de vue face à un enseignement théologique ne provenant pas des Ecritures ou devant une loi organisationnelle choquante.

               C'était toujours un plaisir de pouvoir discuter avec Harry sur des sujets qui nous passionnaient tous les deux, soit religieux ou séculiers, et même si nous ne partagions pas toujours la même opinion nous considérions l'autre avec respect. Il arrivait souvent que les articulations de ses mains, posées sur le bureau, qu'il serrait fortement, l'une contre l'autre, deviennent violettes, particulièrement lorsqu'il argumentait sur un point au cours d'une conversation animée. Sa colère à l'encontre de ceux qui refusaient de s'engager dans une voie menant à une organisation plus compatissante, bouillonnait sous un calme extérieur apparent et pouvait entrer en éruption lorsqu'il était finalement poussé dans ses derniers retranchements.

               Nous parlions de l'éducation des enfants, avec ses joies et ses peines, même si Harry et sa chère épouse, Rose morte en 2005, n'avaient pas eu d'enfants. Dans les années 1990, le périodique Réveillez-vous! contenait des articles démontrant la valeur des conseils bibliques et l'amélioration, par leur mise en application, de la vie courante. Aussi lorsque notre fils écrivit une lettre pleine de prévenance et déclarant son appréciation pour le magnifique témoignage que nous lui avions donné, Harry décida-t-il de la reproduire en bas de page dans le numéro (anglais) du 8 avril 1993 de Réveillez-vous! (édition française du 8 août 1993, p.31) comme un exemple de succès remporté par des parents, qui ont suivi la Bible dans l'éducation de leur enfant.

Il y avait toujours un besoin d'idées nouvelles pour maintenir l'intérêt des gens pour la littérature de la Watchtower. C'est pour cette raison qu'Harry discutait souvent avec un groupe d'amis au quartier général à propos des dernières publications sorties, afin de savoir ce qui les intéressaient le plus. Comme d'autres membres du département de la rédaction il se plaignait que parmi ceux tenant les rênes de la Watchtower, y compris au sein du Collège Central, certains reflétaient l'état d'esprit des années 1950. Selon mes propres observations, ce sont les dizaines d'années passées au Béthel qui ont empêché les responsables de la Watchtower de se familiariser avec les problèmes de société et le stress que les membres du troupeau affrontent quotidiennement ; de plus ces mêmes personnes, naïves, pensaient que la "lumière" ne passait que par eux.

Pendant la période au cours de laquelle j'apportais des réponses aux questions de Karl Adams, Harry a lu une partie de mon travail et il remarqua que j'avais un certain talent pour l'écriture. Sous sa tutelle et celle de Colin Quackenbusch, j'ai écrit une partie de sept articles de Réveillez-vous! La plupart des articles ont été écrits, et les recherches ont été effectuées, après ma journée de travail. Avec le temps j'ai réalisé que de nombreux articles de Réveillez-vous! étaient écrits par des hommes et des femmes qui n'appartenaient pas au service de la rédaction et édités par le personnel de la rédaction. Ainsi, la table de travail de Harry était toujours nette, car ce dernier faisait souvent appel à des auteurs externes à son service pour rédiger des articles publiés sous son nom.

Jusqu'à ce moment j'avais de l'admiration pour l'auteur, des nombreux livres et brochures, qu'il prétendait être. Mais si Harry n'avait pas écrit les documents, avait-il au moins vérifié les sources indiquées et proposées, comme il aurait dû le faire? Harry était-il totalement responsable, lorsque des citations étaient mal utilisées? Un critique de la théologie de la Watchtower, Alan Feuerbacher, a collationné un grand nombre de citations tirées hors de leur contexte et utilisées dans les prétendus écrits de Harry. Je voulais, vraiment, croire que Harry était un rédacteur responsable et qu'il n'était pas au courant des citations mentionnées hors de leur contexte par ceux qui lui ont présenté leurs articles.

Une marque de respect pour les femmes

Harry jouait le rôle d'avocat contre la domination abusive et tyrannique exercée à l'encontre des femmes et des enfants par des maris et des pères croyants usant des enseignements de la Bible comme d'un fouet. Beaucoup d'entre nous étions privés d'informations concernant les nombreux cas d'épouses Témoins, malheureuses, victimes du mauvais usage de l'autorité maritale.

               Je me souviens d'une conversation que j'ai eue, en janvier 1992, avec Harry et un autre responsable de la rédaction, Eric Beveridge; nous nous trouvions dans le bureau de Harry et je leur ai dit ce que m'avaient rapporté des femmes Témoins, pendant mes vacances. Selon elles, trop d'hommes, dans l'organisation, traitent les femmes avec bien peu de respect et les considèrent comme étant inférieures. Une femme en colère m'avait raconté qu'une Témoin s'était plainte d'avoir été violée par un homme, lui aussi Témoin, alors qu'elle faisait le ménage dans la maison de celui-ci. Quand il a été questionné, l'homme a admis devant les anciens avoir eu des rapports sexuels, mais selon lui la femme était consentante, de plus il manifesta de la repentance. La femme nia avoir été consentante et dit qu'elle avait été violée. Elle a été exclue pour mensonge; lui n'a pas été exclu parce qu'il a admis et regretté son péché. Les femmes Témoins connaissaient l'accusé, et elles étaient scandalisées car cet homme n'avait pas une bonne réputation et elles pensaient qu'il n'était pas digne de confiance (En l'occurence le viol ne fut pas rapporté aux autorités).

Mon récit a contrarié Harry et Eric. A la suite de cette discussion, Harry demanda à Eric d'écrire une séries d'articles (15 pages) parus dans le numéro du 8 juillet 1992 de Réveillez-vous! sur le thème suivant: " Les femmes sont dignes de respect" (anglais) à propos du respect dû aux femmes; il me demanda de faire des recherches afin de fournir des matières pour ces articles. De nombreuses femmes écrivirent des lettres d'appréciation peu après la parution de ce numéro de Réveillez-vous! Ce qui nous a le plus déconcerté, c'est que 75% des lettres n'étaient pas signées, parce que les femmes qui les avaient écrites avaient peur des représailles éventuelles tant à la maison qu'au sein de la congrégation, si la Watchtower envoyait leur lettre au collège des anciens de leur propre congrégation, afin qu'une suite soit donnée à leur plainte.

Des articles sur les agressions sexuelles enfin publiés dans Réveillez-vous!

La politique de stricte confidentialité de l'Organisation exige des Témoins impliqués dans une affaire judiciaire, au sein de la congrégation, de ne parler que devant le comité judiciaire (actuellement “comité de discipline religieuse”), et de ne rien dire en dehors de ce comité. C'est pour cette raison que je n'entendis parler pour la première fois d'agression sexuelle sur mineur au sein de l'Organisation qu'en 1984.

               Une jeune femme qui travaillait avec moi au département de construction et de génie civil raconta, avec animation, à quelques membres du département, qu'un ancien très en vue de la congrégation qu'elle fréquentait avant de venir au Béthel, avait été arrêté pour pédophilie. Je découvris par la suite que l'agresseur avait été condamné et envoyé en prison où il a purgé une peine de trois ans. Cet ancien, populaire et charismatique, avait abusé de sa propre fille ainsi que de nombreuses autres jeunes filles de sa congrégation, pendant des années, les menaçant afin qu'elles se taisent; ce qui lui fut très facile à cause de son autorité naturelle et de l'âge de ses jeunes victimes.

A ce moment-là, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un comportement isolé, mais par la suite je découvris combien je me trompais. A l'évidence, il y avait bien plus que ce seul cas relaté, dans lequel des enfants de Témoins ont été abusés, cependant beaucoup avaient gardé le silence; le Réveillez-vous! du 22 janvier 1985 (anglais) portait le titre suivant en couverture: "Les agressions d'enfants - Le cauchemar des mères". De par l'expérience acquise au sein du département de la rédaction, j'ose dire qu'il apparaît improbable que la Société publie une série d'articles traitant du problème des enfants victimes d'agressions sexuelles à moins d'avoir constaté une augmentation de tels cas au sein de ses rangs et que les responsables des Témoins comprennent que les parents ont besoin d'instructions pour, non seulement, protéger leurs enfants, mais aussi, pour agir en cas de suspicion de mauvais traitements et pour être à même de reconnaître les premiers signes de telles agressions. Malheureusement, les articles ne donnaient pratiquement pas d'informations sur le traitement que devaient suivre les victimes et n'évoquaient pas l'impact émotionnel ressenti par ces dernières; il n'était pas indiqué qu'il fallait en informer, sans attendre, les autorités. En fait, ce sont les responsables scolaires de la partie nord de New York qui ont signalé un cas d'agression sexuelle sur enfant aux autorités.

               Le Réveillez-vous! du 8 octobre 1991 (anglais) portait le titre suivant en première page: "Abus sexuels sur les enfants: comment en effacer les séquelles?" et contenait une série d'articles contre les agressions sexuelles sur enfants. La publication présentait de nombreuses informations spécifiques écrites dans le but d'apporter aide et assistance aux victimes d'agressions sexuelles pour surmonter le contrecoup dévastateur suite aux agressions subies. De plus, des informations complémentaires expliquaient aux familles et aux amis des victimes pourquoi celles-ci adoptaient un comportement si souvent destructeur. Ce périodique fut publié un peu avant la fin de mon travail de recherches pour la rédaction du livre de l'histoire des Témoins.

               Ma réaction à la lecture de ces articles dut être la même que celle de nombreux Témoins de Jéhovah - je pensais que la raison d'être de ces informations était d'atténuer les effets durables de ce que beaucoup considéraient comme un crime abominable. Nombre d'entre nous ont pensé que la couverture médiatique toujours plus importante, pendant les années 1980, dans la révélation de secrets cachés à propos d'agressions sexuelles sur mineurs au sein même des églises et d'autres organisations était la raison principale de la publication de tels articles. Après tout, raisonnablement parlant il y avait certainement des adultes qui, avant de devenir Témoins de Jéhovah, avaient pu être sexuellement abusés et pour lesquels les informations parues dans le Réveillez-vous! étaient fort utiles. Le quartier général, après la parution de ce périodique, a reçu des milliers de lettres et d'appels téléphoniques exprimant la reconnaissance de leurs auteurs au Collège Central pour l'aide fournie par le contenu des articles; bien plus que pour tout autre article de son histoire, bien loin devant un autre thème, à forte connotation émotionnelle paru dans le Réveillez-vous! du 8 juillet 1990: "L’expérimentation animale — Crime ou bienfait?".

Les agressions sexuelles d'enfants au sein de l'organisation posent problème.

A la fin de l'année 1991, j'appris par l'intermédiaire d'Harry les raisons qui ont motivé la rédaction, et après l'autorisation de Lloyd Barry, la publication des articles écrits par deux membres de la rédaction à savoir, Lee Waters Jr., et Harry lui-même. Lee était connu comme un homme plein de compassion et très à l'écoute des besoins et des droits de groupes minoritaires. Harry m'apprit que Lee et lui-même avaient lu un essai intitulé: "Aller de l'avant, de l'aide pour les Témoins, dans le traitement des questions d'abus, et de victimisation dans leur vie" qui avait circulé parmi les Témoins aux USA entre 1989 et 1990. Je ne me rappelle pas de quelle façon cet essai est arrivé au département de la rédaction, mais il a laissé une profonde impression. Il avait été écrit par Mary Woodard, Témoin de Jéhovah, qui a discuté des effets des agressions sexuelles sur mineur, étant elle-même impliquée, ainsi que d'autres femmes Témoins de Jéhovah. Un ancien de Floride a contacté Mary et l'a invitée à venir au département de la rédaction pour discuter du sujet avec Harry et Lee et c'est son apport qui a servi de base au Réveillez-vous! du 8 octobre 1991 pour les articles traitant des abus sur les mineurs.

               En 2003, j'ai eu avec Mary, qui avait tenté de se suicider en 1992, une longue conversation au sujet de l'invitation qu'elle avait acceptée de venir au département de la rédaction. Elle me montra également la correspondance privée échangée avec Lee pendant que ce dernier préparait les articles.

Il y était mentionné des accusations à l'encontre de personnes qui avaient abusé de mineurs alors qu'elles étaient Témoins de Jéhovah, détail ce que Réveillez-vous! ne pouvait mentionner, la plupart de ces crimes n'ayant pas été dénoncés. J'appris par la suite que les Témoins de Jéhovah de ma congrégation suivaient scrupuleusement les règles établies en ne dénonçant qu'exceptionnellement auprès des autorités les affaires de ce genre. Cependant, personne à ma connaissance travaillant dans le département de la rédaction, moi-même y compris, n'a jugé une telle situation comme déplorable, car nous pensions que l'Organisation de Dieu pouvait proposer des solutions bien meilleures à ce problème que les autorités gouvernementales. De plus, nous n'avions pas envie d'aller laver notre linge sale sur la place publique, pensant que cela porterait atteinte à la réputation des Témoins de Jéhovah. Généralement, ce genre d'accusations conduisait à la tenue d'un comité judiciaire qui statuait secrètement au sein de la congrégation. (Quand le collège local d'une congrégation apprend une faute commise par un membre de la congrégation, il forme un comité composé de trois anciens ou plus, qui est chargé d'examiner l'affaire et de prendre les mesures nécessaires). Cependant, si les accusations des victimes peuvent être mises en doute (par manque de précision sur le lieu, dans le temps, etc.) et que de ce fait le pédophile ne soit pas confondu, les malheureuses victimes seront priées de garder leur opinion pour elles-mêmes au risque d'être réprimandées et disciplinées. De telles situations engendrent de l'aigreur et nombreux sont ceux qui gardent le silence au sujet d'abus dont ils ont été victimes, pensant qu'il s'agit d'une circonstance tout à fait inhabituelle au sein de l'organisation Watchtower. "Laissons Jéhovah s'en occuper" se disent de nombreux membres insatisfaits, pensant que Dieu essuiera toutes les larmes dans le futur paradis terrestre.

               Comme j'avais terminé mon travail concernant le livre de l'histoire des Témoins, vers la fin 1991, j'ai été à nouveau assignée pour des recherches au département d'architecture, mais quelques mois après, Jack Barr est venu à mon bureau pour me dire qu'Harry ainsi que d'autres responsables de la rédaction avaient besoin de moi pour effectuer des recherches. C'est ainsi que, dans le courant de l'année 1992, j'en ai encore appris un peu plus, auprès des membres de la rédaction, au sujet des agressions sexuelles sur mineurs perpétrés au sein des congrégations des Témoins de Jéhovah dans le monde entier.

               Puis Lloyd Barry autorisa la préparation d'un autre article sur le sujet, qui parut dans le Réveillez-vous! du 8 avril 1992, sous le titre: "J'ai pleuré de joie". Cet article présentait des extraits de lettres envoyées à la Société par des victimes, leurs amis et leur famille pour exprimer la profonde appréciation au Collège Central à la suite du numéro de Réveillez-vous! du 8 octobre 1991.

               De nombreux lecteurs Témoins ont ressenti les informations du Réveillez-vous! du 8 octobre comme une brise rafraîchissante circulant au sein de l'organisation, mais en réalité on avait ouvert la boîte de Pandore en permettant aux milliers de survivants qui avaient été victimes d'abus sexuels alors qu'ils n'étaient encore que des enfants de chercher le traitement pouvant les aider sur les plans mental et physique, et de se confier aux membres de la congrégation pour dénoncer ceux qui à l'intérieur de l'organisation ont abusé d'eux.

Vers quelles thérapies faut-il se tourner?

Les articles de Réveillez-vous! tentaient d'apporter une aide aux victimes faisant face aux répercussions des agressions qu'elles avaient subi enfants, en suggérant soit de recourir à la consultation d'un psychiatre si nécessaire, soit de chercher une oreille attentive et amie auprès d'un membre de la congrégation. Cependant, une grande partie du Collège Central, et spécialement Ted Jaracz, voyait d'un mauvais œil cette idée de réconfort apporté par l'intermédiaire de thérapeutes professionnels, prétendant que la plupart des conseils exprimés par ces derniers étaient générés par le monde de Satan. Le Collège Central et de nombreux hauts responsables de la Watchtower estimèrent que la mise en application des conseils bibliques présentés dans la littérature de la Watchtower amènerait une meilleure stabilité psychologique, même dans le cas de traumatismes dûs à des agressions sexuelles pendant l'enfance. En général, les conseils donnés par ceux considérés comme mûrs, peu importe le type de souffrance ressentie, se résumaient à : "lis la Bible, viens aux réunions, et participe à la prédication de porte en porte". Ainsi découragées de chercher de l'aide, sous forme de thérapie, à l'extérieur de la congrégation, les Témoins victimes d'agressions sexuelles dans leur enfance se tournèrent alors uniquement vers les anciens, ce qui vira généralement au cauchemar, tant pour les victimes que pour les anciens.

Le réveil fut rude pour toutes les victimes d'abus qui espéraient, après la parution du Réveillez-vous! du 8 octobre 1991, observer un changement d'attitude à leur égard au sein de l'organisation. La plupart des anciens ont gardé, sans se remettre en question, leur approche du problème, à savoir : seule la mise en application des Ecritures peut guérir les victimes de mauvais traitements, exclusion faite de toute référence à des ouvrages spécialisés publiés dans "le monde", et ce contrairement à ce qui avait été suggéré par le Réveillez-vous! du 8 octobre, lequel en contenait une liste.

Lorsque la mémoire des victimes refoule le passé

               Un point important abordé par Réveillez-vous! concerne une étrange réaction connue sous le terme de "mémoire refoulée". Ce sujet n'était pas du goût des Témoins influents. De nombreux Témoins ayant été abusés alors qu'ils étaient enfants ont encore en mémoire ces événements des années après, ce que Lee a remarqué et qui est corroboré par les lettres d'anciennes victimes d'abus, ainsi que par leurs thérapeutes. La fiabilité de ces souvenirs est devenue le centre d'un débat et de controverses au sein même des professionnels de la santé mentale, et qui plus est dans l'organisation Watchtower. Au quartier général, à Brooklyn, les congrégations sont supervisées par le département du Service. Les hommes travaillant dans ce département sous la direction de Ted Jaracz, membre du Collège Central, répondaient négativement lorsque des anciens les interrogeaient à propos de l'anomalie appelée "la mémoire refoulée". En fait, je savais que Jaracz était un partisan de la mouvance luttant "contre la mémoire refoulée". Mais ce sujet ne fut plus abordé après qu'Harry ait démontré que la mouvance contre la mémoire refoulée avait été mise en doute par des enquêteurs.

               Le trouble de la personnalité multiple (TPM), remplacé par le trouble dissociatif de l'identité (TDI), est devenu un sujet de débat brûlant. Même si le syndrome TPM n'est jamais indiqué dans les publications de la Watchtower, et ne figure pas non plus dans la correspondance adressée aux collèges d'anciens; ces derniers ont été mis au courant de ce phénomène par les victimes souffrant de ce traumatisme, dû à des agressions sexuelles subies durant leur enfance au sein de la congrégation, certains étant même perçus comme souffrant de démonisme. Quelle aide espérer alors que certains responsables au sein du département du service considèrent le TPM, le TDI et la mémoire refoulée comme une manie, et ont peu de considération pour ceux qui souffrent ? Face à une telle confusion et à l'incrédulité de la part des responsables de la Watchtower à propos du TPM, Harry me demanda d'écrire un article sur ce sujet. Malheureusement l'esclandre provoquée par le Réveillez-vous! du 8 octobre 1991 amena Lloyd Barry à renoncer à publier la moindre nouvelle ligne sur ce sujet, par peur de causer encore plus de controverses qu'il n'y en avait déjà.

La confusion perdure

Le département du service adopta une ligne de conduite qui ne réconforta pas les victimes d'abus. Ainsi il fut répondu aux requérants de "lire la Bible davantage et de regarder vers l’avenir, vers le Monde nouveau dans lequel tous les problèmes disparaîtront". Ce n'était pas, bien sûr, la solution pour un problème si complexe. Dénuées de tact, les conseils donnés par ces hommes de "passer par-dessus" n'étaient pas du goût ni des victimes, ni des membres plus libéraux du département de la rédaction. De fait, lorsque des victimes appelaient et s'entretenaient avec des membres du personnel de la correspondance et de la rédaction, elles étaient traitées avec compassion, et étaient tenues au courant des dernières informations concernant ce problème. Ce qui résulta de cet ensemble de contradictions fut de replonger dans leur abattement celles et ceux qui avaient besoin d'aide et de laisser les anciens qui appelaient dans une confusion totale.

A la fin de décembre 1991, tous les anciens des congrégations assistèrent à l'Ecole du ministère du Royaume pour une formation complémentaire et une mise à jour des prescriptions de la Société. Peu après, le 23 mars 1992, une lettre fut envoyée à tous les collèges d'anciens des Etats-Unis. La lettre reprenait des pensées qui avaient été examinées dans les Ecoles fin décembre 1991, à propos de sérieux problèmes rencontrés par les victimes d'abus sexuels, alors qu'elles étaient enfants, et la lettre ne condamnait plus comme par le passé les thérapeutes professionnels, mais reprenait le programme de l'Ecole qui se référait aux informations parues dans le Réveillez-vous! La lettre pleine de compassion recommandait aux Témoins désirant suivre un traitement psychiatrique, psychologique, ou toute autre thérapie, de prendre les précautions nécessaires tout en reconnaissant qu'il s'agissait d'un choix personnel. La lettre précisait également que les anciens ne devaient pas étudier les méthodes thérapeutiques afin de remplacer éventuellement les thérapeutes, ce que certains sont tentés de faire, encore de nos jours. Elle formulait d'excellentes suggestions à propos de ce que l'on pouvait dire aux victimes. Malheureusement ce point de vue n'allait pas durer bien longtemps.

               A l'intérieur des congrégations, considérées comme des refuges, des secrets nauséeux perduraient, et pour des raisons incompréhensibles, la protection était assurée au profit des abuseurs, comme si rien ne s'était passé. En fait, un secret particulièrement déplaisant se rapportait à des instructions personnelles envoyées en 1992 à des surveillants de district ou de circonscription par un membre du Collège Central qui, selon Harry, n'était autre que Ted Jaracz : les surveillants devaient rencontrer les victimes d'abus en vue d'obtenir leur silence et dans le cas contraire procéder à leur exclusion. En 1994, mon mari et moi-même étions dans le bureau de Harry, en train de feuilleter une pile de lettres récemment arrivées au quartier général, en provenance de toutes les parties du pays et formulant des plaintes au sujet  de cette situation. A noter que l'un des surveillants, dont le nom est fréquemment cité à propos de ces mesures d'intimidation, est devenu par la suite un membre du Collège Central [NDT : Guy Pierce].

               "Ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain !" voilà ce que nous répétait plusieurs fois par jour Harry lorsqu'il voyait, à la lumière des derniers développements, les nouvelles rapportées par les responsables du département de Service, faisant état d'aggravation à la suite de la ligne dure qui était préconisée. Il était personnellement soucieux de l'impact que les rapports d'agressions d'enfants qui nous parvenaient jour après jour pouvaient avoir sur nous et souhaitait que tout cela ne nous amène pas à quitter l'organisation.

Nous retournons chez nous au Tennessee

Nous avons pris la décision, en août 1992, de terminer notre séjour dans le complexe immobilier de la Watchtower et de quitter Brooklyn à la fin de l'année, à cause des problèmes de santé de mes parents âgés. Cependant, avant de partir j'ai encore pris du temps pour effectuer un dernier projet de recherches. Harry m'autorisa à emmener avec moi une certaine quantité de documents en vue d'attirer l'attention du Collège Central et de prouver à ses membres que le problème des enfants agressés au sein de l'organisation était important. Quelques semaines après que avoir quitté le quartier général, j'envoyai à Harry un volumineux dossier d'informations que j'avais recueillies, et qu’il transmit à chacun des membres du Collège Central.

               Pendant plus de 10 ans, nous avions côtoyé plusieurs milliers de personnes de "la famille du Béthel", ce qui a représenté une expérience tout à fait originale. Ainsi, en retournant à notre domicile au Tennessee, nous avons quitté, littéralement, des centaines d'amis, et bien entendu notre fils et notre belle-fille. Dans les jours qui ont précédé notre départ, Joe et moi-même avons reçu des centaines de messages pour nous dire au revoir. Je conserve comme un trésor un petit livre, confectionné par mes collègues du département de la Rédaction, rempli d'expressions d'affection et de regrets de ne plus pouvoir collaborer ensemble plus longtemps et qui nous souhaitent de bonnes choses pour le futur. Si seulement ils avaient pu imaginer ce que le futur nous réservait ! Dans ce petit livre, Harry exprima le plaisir qu'il avait eu de travailler avec moi, et me dit combien ma serviabilité, ma détermination et ma compassion allaient lui manquer. Lee déclara qu'il ne pouvait pas encore imaginer combien j'allais lui manquer. Il rajouta que mon soutien, mon apport et mes recherches étaient inestimables. Un autre responsable des rédacteurs, Jim Pellechia, me remercia d'avoir un peu secoué les choses. Toutes ces observations se rapportaient spécifiquement à mon travail, en vue de persuader le Collège Central de changer certaines règles de l'organisation dans le traitement des cas d'agressions sexuelles sur enfants. Je me rappellerai toujours de mon dernier jour de travail et particulièrement lorsque David Iannelli me dit au revoir et me remercia chaleureusement d'avoir découvert ce que plus personne dans l'organisation ne savait - que William H. Conley, et non Charles Taze Russell, avait été le premier président de la Watchtower.

               Je partis sans regrets. Pendant que je me trouvais au centre mondial des Témoins de Jéhovah, j'avais donné le meilleur de moi-même. Bien que j'aimais ces personnes, j'étais face à un dilemme. Après avoir quitté New York, pouvais-je refermer ma compassion et oublier tout ce que j'avais appris au sujet du scandale caché des agressions sexuelles d'enfants au sein de l'organisation Watchtower? Je savais que si par compassion je remuais ces choses en dehors du Béthel, je risquais d'être exclue. Quand j'ai quitté New York je n'ai pas abandonné la compassion sincère que j'avais pour les victimes de ces loups malhonnêtes déguisés en brebis opérant au sein de l'organisation, mais à présent que pouvais-je faire ? Les années qui suivirent furent stressantes, pour ne pas dire plus.

               Peu après notre retour au Tennessee, une lettre datée du 3 février 1993 fut envoyée à tous les collèges d'anciens des Etats-Unis à propos des agressions sexuelles sur mineurs. Apparemment, le travail que j'avais effectué portait du fruit, car cette lettre contenait certaines informations que j'avais incluses dans le courrier envoyé au Collège Central. De nombreuses suggestions dans le but d'apporter de l'aide aux victimes étaient conçues tout particulièrement pour celles souffrant de troubles longtemps après l'événement. L'attitude du Collège Central paraissait plus conciliante envers la réalité de la mémoire refoulée. Dans la lettre, il était également répété que le fait de consulter un professionnel de la santé en vue de recevoir de l'aide et de rapporter l'agression aux autorités ne représentait pas un acte désobligeant vis-à-vis des anciens. Et ce n'était pas tout. Un nouvel article, extrêmement bien documenté sur le thème des agressions sexuelles sur mineur, parut dans le Réveillez-vous! du 8 octobre 1993, lequel parlait de professionnels compétents aidant les victimes d'abus sexuels pendant leur enfance.

               J'ai continué mes recherches pour le département de la rédaction depuis mon domicile. Parmi les choses examinées, je me suis penchée sur le problème de l'agression sexuelle sur mineur, au sein des autres religions et plus généralement de la société. En un sens j'espérais comme quelques-uns au quartier général de la Watchtower que le Collège Central modifierait sa politique à l'égard des agressions sexuelles sur mineurs.

               Cependant, au lieu de voir les premiers résultats de mon travail, j'appris avec horreur, quelques mois après notre retour à la maison, qu'au sein des congrégations de notre région un grand nombre d'agressions avaient eu lieu dans un passé récent et qu'aucune d'entre elles n'avaient été annoncées aux autorités. Ces agressions étaient rapportées à des hommes n'ayant peu, voire pas d'idées sur le processus à suivre dans ces affaires complexes d'accusations pour agressions sexuelles. Voilà qui était pour le moins inquiétant, voire effrayant.

Des réactions tardives

Un ancien de ma congrégation a confessé avoir agressé la fille d'une Témoin. Il perdit sa charge d'ancien parce que le père, non Témoin, de l'enfant porta plainte auprès de la police, ce qui fit grand bruit. Quelques années plus tard, à la suite d'habiles manœuvres, l'agresseur recouvra, contre toute logique, ses privilèges au sein de la congrégation. Il avait réussi à convaincre les anciens qu'il était repentant, alors que selon toute évidence il utilisait le ministère de maison en maison pour rencontrer et étudier la Bible avec des femmes seules ayant des enfants, dans le but d'abuser ensuite de ces enfants. J'envoyais une lettre à la société Watchtower pour exposer la situation; de plus j'écrivis une missive implorant Lloyd Barry, membre du Collège Central (décédé depuis ces événements) d'examiner les faits. Dans ma lettre, je faisais part de mon inquiétude en pensant aux agresseurs engagés dans le ministère de porte en porte, en me référant aux agissements du pédophile de notre congrégation usant de cette activité pour trouver de nouvelles proies, et déclarai que la participation d'un agresseur à cette forme de témoignage devrait être mise sous restriction. Pour augmenter mon inquiétude, j'appris qu'en dehors des congrégations, les noms, y compris celui du repenti, n'avaient jamais été communiqués au public ; peut-être certains avaient-ils été mis à la disposition des autorités après un long délai d'attente. Par conséquent, ils étaient toujours potentiellement dangereux et susceptibles de continuer d'abuser de nouveaux enfants, ce que certains n'ont pas manqué de faire. Lorsque j'ai visité en 1994 le quartier général de la Watchtower, je parlais brièvement avec Lloyd Barry de ma lettre pour laquelle il n'avait jamais accusé réception.

               Et contrairement au changement espéré dans la politique à l'égard des agresseurs, ces derniers purent continuer dans le ministère et retrouver leur position d'autorité s'ils se montraient repentants. Je compris que la prise de décision à propos de ces situations devenait difficile et avait des ramifications. La complexité et la portée de la situation de tous les enfants abusés sexuellement au sein de l'organisation prenaient des proportions énormes. Mais quant aux enfants, envers et contre tout, ils continuaient d'être abusés par leurs agresseurs Témoins, et le sachant, je décidai de mettre fin à cette situation. Je fus heureuse d'apprendre que le recours à des thérapeutes, en vue d'atténuer les effets à long terme subis par les enfants victimes d'agressions sexuelles, n'était plus considéré avec dédain comme c'était le cas en 1992 et 1993. Toutefois, en décembre 1994, on en revint à un point de vue des plus rigides, qui fut développé pendant le cours de l'Ecole du Ministère du Royaume. Il fut dit aux anciens que les accusations portées contre un Témoin pour donner suite à la mémoire refoulée ne seraient plus admissibles pour entreprendre une action judiciaire. Il leur fut rappelé qu'en l'absence du témoignage de deux témoins oculaires de l'agression, et si l'accusation était niée, il ne serait pas pris de sanctions ni prononcé d'excommunication.

               Je me rappelle combien je me suis sentie inquiète, dans la période s'étendant de 1993 à 1997, à propos de ces règles de confidentialité. Je me suis ouvertement exprimée auprès de mes amis du département de la Rédaction au sujet de l'aveu d'agresseurs paraissant repentants au sein de ma congrégation et qui continuaient de prendre dans leurs bras des bébés ou de tenir sur leurs genoux de jeunes enfants; de plus les anciens ne disaient rien et n'avertissaient pas même les parents. Une lettre du 1er août 1995 adressée à tous les collèges d'anciens, semblant faire suite à mon inquiétude, incita les anciens à faire preuve de prudence vis-à-vis d'anciens agresseurs d'enfants, et attira particulièrement l'attention "sur le danger évident lorsque ces derniers prennent dans leurs bras des enfants ou les tiennent sur leurs genoux". Cette lettre suggérait également de ne pas les laisser seuls avec des enfants sans la présence d'un autre adulte.

               J'ai su qu'Harry et quelques autres faisaient de leur mieux en interne pour améliorer la situation. Finalement, en 1997, la société Watchtower annonça, dans l'article de La Tour de Garde du 1er janvier intitulé "Ayons en aversion ce qui est mauvais", qu'un homme ayant abusé sexuellement d’un enfant ne remplit pas les conditions requises pour assumer des responsabilités dans la congrégation. L'article précisait également que l'organisation ne protégerait pas l'agresseur des risques de sanctions éventuelles prises par l'Etat. Peu de temps après, Harry et moi discutions par téléphone et il me déclarait qu'il était extrêmement heureux de voir cinq années de labeur déboucher sur une nouvelle politique empêchant un agresseur même repentant de se voir attribuer une position de responsabilité dans la congrégation. Bien que satisfaite par ces nouvelles règles, j'étais troublée en lisant la phrase suivante: "Si le coupable s’avère repentant, on l’encouragera à faire des progrès spirituels, à prendre part à la prédication…" (TG 97 1/1 p. 29)... ce qui constituait exactement le contraire de ce ma requête.

Une règle lacunaire et une autre inapplicable

A première vue, le Collège Central semblait avoir progressé en indiquant que quiconque est un agresseur reconnu ne peut plus exercer de privilèges au sein de l'organisation. Ce faisant, on avait finalement reconnu qu'un ancien agresseur est toujours un agresseur potentiel. Donc, si un agresseur exerce déjà une responsabilité dans la congrégation, il peut en être démis. Les Témoins manifestèrent leur enthousiasme pour la nouvelle politique, pensant qu'ainsi plus aucun agresseur connu ne pourrait obtenir de responsabilité dans la congrégation; le Collège Central s'était, à leurs yeux, montré bien supérieur dans la gestion du scandale des agressions d'enfants que les autres églises, en proie à de nombreuses difficultés, à travers tout le pays.

               Mais très vite une lacune se fit jour dans le texte de la nouvelle politique. Elle apparaissait dans la phrase suivante: "Pour la protection de nos enfants, un homme ayant abusé sexuellement d’un enfant ne remplit pas les conditions requises pour assumer des responsabilités dans la congrégation. " Exprimé de cette façon, le texte était trompeur et dangereux. Les mots clés déterminant l'impossibilité pour l'agresseur de garder ses responsabilité dans la congrégation sont: "…ayant abusé…".

               Tout ceci a bien été clarifié dans la lettre du 14 mars 1997 envoyée aux collèges des anciens répondant à la question:" Comment savoir si un homme est un agresseur "ayant abusé""? Notez bien la réponse: "Un individu est peut-être connu, non seulement de la communauté mais également de la congrégation chrétienne, pour avoir été autrefois un agresseur d'enfant". Ainsi on comprend que si un homme est connu de la communauté ou la congrégation chrétienne comme un agresseur, ce dernier ne remplira pas les conditions requises pour exercer des responsabilités, ou le cas échéant sera démis de ses fonctions dans la congrégation. Mais pour qu'un homme soit reconnu comme un agresseur par la communauté, il faut que son cas ait été rapporté à la police, ce qui est rarement le fait des Témoins. Et les lois de confidentialité de la Société rendent impossible la communication d'une information sur un éventuel agresseur, puisque la victime voulant évacuer l'agression en faisant appel à sa mémoire refoulée est priée, par le comité de discipline, de se taire. L'accusé continuera donc d'exercer ses responsabilités, les anciens allégeant qu'il n'est pas reconnu comme un agresseur.

               Bien sûr, peu de Témoins lambda ont bien compris la signification des mots "…un homme ayant abusé…" comme cela a été expliqué plus haut - et des anciens dans de nombreuses congrégations ont passé outre l'implication de La Tour de Garde du 1er janvier 1997 et de la lettre de la Société du 14 mars 1997. Mais de quelle façon les congrégations auraient-elles réagi en apprenant que des agresseurs d'enfants avaient été nommés en dépit de leur culpabilité clairement démontrée ?

Une instruction figurant dans la lettre du 14 mars 1997, envoyée à tous les collèges d'anciens,  admettait bien involontairement ce fait : "Le collège des anciens enverra un rapport à la Société à propos de celui qui sert ou qui a été nommé par la Société à une responsabilité dans votre congrégation et qui est reconnu comme ayant abusé sexuellement des enfants". Cela revient à confirmer le fait que la Société avait nommé en connaissance de cause des agresseurs à des postes à responsabilités !

               Cette lettre, si claire, ajoute : "Quelqu'un a pu se rendre coupable d'agressions sexuelles sur des enfants avant d'être baptisé. Il n'est pas nécessaire de questionner les personnes à ce sujet." A l'heure où les organisations profanes et religieuses forment et contrôlent les employés et les volontaires ayant de fréquents contacts avec les enfants, le Collège Central ne juge pas nécessaire de questionner individuellement, sur leur passé, les hommes qui exerceront une responsabilité ! C'est pour le moins irresponsable, peut-être même criminel, et peut passer aux yeux des autorités, en cas d'investigations, pour plus grave qu'il n'en paraît.

               Pour illustrer la position officielle de la Watchtower, voici ce qu'a déclaré un de ses représentants, J.R. Brown, porte-parole, à un média allemand, en juin 2002 : "Si nous découvrons qu'un individu s'est rendu coupable d'agressions sur enfants, il ne pourra en aucun cas servir comme ancien". Maintenant, notons ce que déclare une lettre de la Watchtower envoyée à tous les collèges d'anciens du Royaume-Uni, le 1er juin 2001, en citant une exception à cette loi:

"Si la filiale a décidé qu’ [un ancien agresseurs d'enfants] peut être nommé ou peut continuer de servir dans une position de confiance, parce que le péché a été commis il y a très longtemps, et que depuis ce temps il a mené une vie exemplaire, il n'est pas nécessaire de faire figurer son nom dans la liste, de même il n'est pas utile de parler du péché passé du frère s’il change de congrégation et ce contrairement aux instructions données par la filiale". (La liste est constituée par la congrégation et porte le titre: "protection des enfants - Psaumes 127:3". La liste contient des données concernant le ou les agresseur(s) repentant(s); ceux qui ont été accusés par deux témoins crédibles ou plus, et ceux qui ont reconnu leur culpabilité devant la cour).

               La lettre poursuit en disant:

"Il y a, cependant, bien d'autres situations en rapport avec les agressions d'enfants. Par exemple, s'il n'y a qu'un seul témoin et que le frère accusé nie les faits (Deutéronome 19:15; Jean 8:17). Il est peut-être déjà l'objet d'investigations policières à la suite d'une plainte pour agressions sexuelles sur un enfant; l'agression n'a pas encore été clairement déterminée. Dans ce cas et pour des cas similaires, on n'en portera aucune mention dans la liste "protection des enfants". "

               Lorsque je pris connaissance la première fois de cas d'agression sur enfant au sein de l'organisation de la Watchtower, je ne connaissais pas l'enseignement biblique demandant l'attestation de deux témoins pour prouver le péché d'agressions sexuelles. Ce n'est qu'après 1997 que je compris que, d'une part, cette règle des deux témoins ayant vu l'agression protégeait les pédophiles, et que d'autre part cette politique représentait un grand danger pour les enfants.

Comme l'indique la lettre du 1er juin 2001, si la victime de l'agression ne peut présenter un autre témoin et que l'accusé nie les allégations, l'accusation va être abandonnée et ne figurera pas même dans la liste "protection des enfants". Ainsi les règles de confidentialité continuent leurs effets. Il est conseillé aux victimes de se taire, de ne pas parler de l'accusation au risque de s'excommunier d'elles-mêmes. C'est de cette façon que les agresseurs ont pu et continuent de se cacher et que les enfants sont toujours leurs cibles. Il est urgent de changer la stricte application de la loi des deux témoins et la politique de confidentialité en rapport avec les agressions sur enfants !

Les illusions perdues

J'appartenais, en fait, à une organisation dont les membres ne sont pas si différents des gens en général. En surface, ils ont l'air différent dans leur approche de la vie; en effet, les Témoins de Jéhovah croient que leur organisation est guidée par Dieu et qu'ils vivent leurs convictions au sein d'une théocratie. Les responsables des Témoins, donc représentants de la théocratie, ont édicté toute une série de règles gérant tous les aspects de la vie des membres, ils ont également émis des règles pour les protéger des mauvaises influences. Malgré leur bon vouloir, les responsables des Témoins se sont petit à petit mis à ressembler aux Pharisiens en donnant des instructions pour toutes les situations imaginables. La nouvelle règle des deux témoins mentionnée dans La Tour de Garde du 1er janvier 1997, de même que le commentaire supplémentaire ajouté au manuel destiné aux anciens, Prenez garde a vous-mêmes et à tout le troupeau, ainsi que la lettre du 14 mars 1997 envoyée à tous les collèges d'anciens, et toutes les autres lettres se référant à l'Ecole du Ministère du Royaume, posaient problème car ils rendaient encore plus complexes la gestion des cas d'agressions d'enfants. Ces directives écrites dans l'intention de protéger la congrégation chrétienne des agresseurs potentiels protégeaient en réalité ces derniers. J'espère que cela n'a pas été fait intentionnellement.

               En 1992, ma préoccupation au sujet des problèmes posés par les procédures mises en place par la société Watchtower dans le traitement des cas d'agressions sur enfant m'empêcha de voir l'évidence : les responsables des Témoins traitaient les accusations d'agressions sexuelles sur enfants de la même façon que d'autres péchés comme la fornication ou l'ivrognerie. Je réalisai que ce n'était pas le rôle des anciens de mener un enquête à la suite d'allégations pour agressions sur enfants, mais que le soin de le faire devait être laissé aux autorités, du fait qu'il s'agit d'un crime - une forme de viol -, point que la Société ne semblait toujours pas être en mesure d'appréhender. La police s'occupe du crime, et les anciens du péché. Si des instructions sont nécessaires pour aider les anciens dans la manière de procéder pour excommunier quiconque s'est coupable d'agressions sexuelles sur enfants, il devrait être clairement spécifié qu'elles se limitent strictement à cela ! Les anciens ne sont pas des magistrats ! Si deux témoins sont nécessaires pour déterminer si l'excommunication est requise, soit ! Quoi qu'il en soit, cela n'enlève rien à la responsabilité des anciens d'avertir les autorités judiciaires !

C'est en 1998 que je quittai officiellement l'organisation, après m'être effacée depuis quelques années. En mettant de côté mon anxiété, je me rendis à l'université locale pour passer quelques examens et je reçus une bourse, ce qui me donna la force de faire mes premiers pas loin de mes amis Témoins de Jéhovah (je savais que certains, à coup sûr, me rejetteraient lorsqu'ils réaliseraient que je n'étais plus des leurs). En fréquentant l'université, je me rendis compte qu'il y avait une vie après la Watchtower. Cela faisait 39 ans que mon mari et moi étions mariés. Nous n'avons jamais eu de secrets l'un pour l'autre. La confiance et le respect sont le ciment de notre union heureuse. C'est pourquoi, mon mari Joe accepta mon départ de notre religion, car il comprenait qu'en toute conscience il m'était difficile de rester associée avec l'organisation des Témoins, connaissant les procédures de règlement des agressions sexuelles sur enfant, règles que je considérais comme nuisibles. Etant une femme, je devais garder le silence sur ce mal au risque d'être excommuniée. Ma colère et ma frustration de ne rien pouvoir faire pour aider et protéger les enfants des agressions devinrent un poids que je ne pouvais supporter plus longtemps.

               Ma famille proche constituée de Témoins, ainsi que mes amis intimes, ne m'abandonnèrent pas. Bien sûr, au début, ils furent consternés par mon choix, mais ils respectèrent ma décision de m'éloigner. Finalement, deux d'entre eux quittèrent à leur tour l'organisation. En 1997, après 16 années passées au Béthel, mon fils et ma belle-fille désirant avoir des enfants, ils ont quitté le quartier général. Mon petit-fils, Luke, est né en 1999 et comme je n'étais pas exclue nous nous sommes régulièrement vus chez l'un ou chez l'autre. Mon mari était toujours ancien et les autres anciens ne savaient pas pourquoi je m'étais retirée et ne semblaient pas particulièrement pressés de le savoir. Dans tous les cas, je ne disais rien de négatif à l'encontre de l'organisation des Témoins, de ce fait je n'étais pas perçue comme une menace.

Bill Bowen et le site "Silentlambs"

A la fin de l'an 2000, un de mes amis, autrefois surveillant de circonscription pour la Watchtower, remarqua sur un site de discussion de Témoins de Jéhovah un message émanant d'un ancien demandant si d'autres anciens s'étaient déjà trouvés dans une situation identique à la sienne : il venait de découvrir que le surveillant-président de sa congrégation avait admis avoir agressé sexuellement des enfants quelques années auparavant. La congrégation et la collectivité n'ayant pas eu connaissance de ces faits, seuls deux anciens étaient au courant, l'homme garda sa position au sein de la congrégation. Le message exprimait son souci pour les enfants de la congrégation, y compris les siens.

               Mon ami correspondit avec cet ancien, ce que je fis également par la suite. Ce que je lui ai appris à propos des agressions sexuelles sur enfants au sein de l'organisation fut une révélation inattendue pour lui. Rapidement, nous convînmes que nous devions faire faire quelque chose pour informer le public des règles irresponsables et dangereuses de la Société Watchtower qui la rendaient responsable de couvrir des crimes sexuels perpétrés contre les enfants partout dans le monde. Nous voulions également convaincre le Collège Central de changer ses règlements. Mais comment pouvions-nous accomplir cette tâche? L'ancien en question, Bill Bowen, décida de renoncer à sa position et rendit public le problème des agressions sur mineurs le 1er janvier 2001. Dans l'Etat du Kentucky, où Bill est domicilié, la couverture médiatique de sa démission de la charge d'ancien en raison des agressions sexuelles dont sont victimes les enfants de Témoins eut  un énorme retentissement. Bill et moi avons ensuite eu l'idée de créer un site web, www.silentlambs.org. Ainsi les Témoins de Jéhovah victimes d'agressions sexuelles par des prédateurs Témoins pourraient dorénavant partager leur histoire en ligne. Au bout de seulement quelques semaines le site comptait un millier de témoignages ! Cinq après, nous en recensons ans plus de six mille !

Je ne m'étais pas encore fait connaître du grand public alors que Bill l'avait déjà fait. Quelque temps après, Bill et moi nous rendîmes en avion à New York où nous devions être interrogés par les producteurs de la chaine télé NBC, lesquels désiraient préparer un documentaire sur les problèmes d'agressions sexuelles sur enfants pour leur émission nationale, Dateline. Après avoir mené des recherches poussées pour vérifier la justesse de nos déclarations, les producteurs nous avaient contactés pour filmer un entretien télévisuel. Dans le même temps, un des producteurs discuta, sur la base de nos accusations, avec des responsables de la Watchtower qui les nièrent en bloc. Le reportage était programmé pour novembre 2001, mais à la suite des attaques terroristes sur les immeubles du World Trade Center le 11 septembre, il fût ajourné.

L'excommunication

En avril 2002, à la suite d'appels répétés à la NBC, la Watchtower fut informée de la date de diffusion du reportage : le 28 mai 2002. Sans plus attendre, les responsables de la Watchtower demandèrent aux anciens locaux de mettre sur pied des auditions judiciaires à notre encontre. Début mai, je prouvai aux anciens que je n'étais pas coupable des charges retenues contre moi. Quelques jours plus tard, les anciens programmèrent une audition judiciaire avec de nouvelles charges. Je refusai de me rendre à cette audition parce que cela me paraissait inutile - si je n'acceptais pas les charges invoquées, il était évident qu'ils reviendraient à la charge avec des accusations différentes. Par conséquent, je fus excommuniée le 19 mai 2002 pour avoir suscité des divisions.

               D'autres Témoins devant apporter leurs témoignages au cours de l'émission furent excommuniés à peu près au même moment. Les personnes excommuniées étant perçues comme des pécheurs non repentants et de fait comme indignes de confiance, la Watchtower avait agi habilement. La stratégie était évidente : mon excommunication ayant été prononcée avant la diffusion de l'émission, les Témoins qui regarderaient la télévision ne me croiraient pas.

               Ce qui suivit ne manqua pas de me surprendre. La société envoya une lettre datée du 24 mai 2002 à toutes les congrégations des Etats-Unis, avec l'instruction de la lire dans le courant de la semaine précédant l'émission Dateline. Après avoir entendu la lecture de la lettre contenant un grand nombre de demi-vérités sur l'affaire, Joe, mon mari, rendit les clés de la Salle du Royaume et renonça à ses fonctions d'ancien. On lui demanda alors d'envoyer une lettre confirmant sa démission de ses fonctions d'ancien, ce qu'il fit quelques jours plus tard. Joe en donna un exemplaire à chaque ancien, ainsi qu'à Daniel Sydlik et Jack Barr, tous deux membres du Collège Central. Il envoya également une copie à Robert Johnson du département du Service. Une semaine plus tard, au cours d'une conversation téléphonique, Robert conseilla à mon mari de mieux me contrôler, car j'avais une mauvaise compréhension des règles de la Société. Lorsque Joe essaya de poser quelques questions sur ces règles, Robert lui répondit que ces informations étaient confidentielles. De plus, il était extrêmement contrarié que Joe l'ait appelé et la conversation se termina de façon déplaisante.

               Sans surprise, Joe fut excommunié en juillet 2002 pour avoir causé des divisions. Parce qu'il avait pris ma défense et exprimé son point de vue sur les agressions sexuelles sur mineur, point de vue qui ne correspondait absolument pas à celui de la Watchtower, Joe n'était plus considéré comme un homme fréquentable. Joe avait émis des critiques, comme Bill et moi-même, à l'égard des instructions données aux anciens sur le processus à suivre lorsque des agressions sexuelles leurs sont rapportées. Joe pensait que les anciens ne devaient pas enquêter eux-mêmes sur l'éventuelle agression sexuelle sur enfants; s'agissant d'un crime, cette dernière devait être rapportée par les anciens aux autorités et pas seulement dans les états où la loi en fait une obligation.

               Avant que l'émission Dateline ne soit diffusée, les reporters ont demandé à la Watchtower s’il était bien exact que nous avions été convoqués pour des auditions judiciaires à cause de notre participation prévue au programme. Le porte-parole de la Watchtower, J.R. Brown, nia ces allégations, et selon ce qu'il déclara aux reporters, les auditions judiciaires avaient été tenues localement du fait que nous étions des pécheurs notoires et non en prévision de notre participation à l'émission. Toujours selon Brown, les responsables de la Watchtower ne savaient pas qui participerait à l'émission, ce qui était un mensonge de plus. A la question du reporter lui demandant à quels textes sa religion se référait pour excommunier des membres, le porte-parole de la Watchtower cita 1 Corinthiens 5:11, 12 qui demande à l'église d'ôter de son milieu tout homme commettant la fornication, l'avidité, l'idolâtrie, l'ivrognerie, l'extorsion ou étant insulteur. Ne fréquentant plus ma congrégation depuis 1998, et n'ayant pas commis ce genre de délit, je me suis décidée à porter plainte pour diffamation, en novembre 2002, contre la Watchtower, bien que sachant cette dernière extrêmement procédurière. Depuis ces évènements, Bill et moi avons souvent été interrogés par des journalistes et nous profitons de cette publicité pour informer au mieux le public des règles        de la Watchtower protégeant les pédophiles.

               Moins de 10 ans sont passés depuis la parution de la lettre dans Réveillez-vous! du 8 août 1993 dans laquelle notre fils chantait les louanges de nos vertus parentales; Depuis lors, il a complètement changé son point de vue à notre égard et il nous a totalement rejetés depuis notre exclusion, à la suite de notre témoignage sur le problème caché des agressions sexuelles sur enfants au sein de l'organisation. Il a déclaré à la presse que je faisais une chose noble en cherchant à protéger les enfants de Témoins; mais il ne pensait pas que j'avais choisi la bonne voie en mettant le public au courant (Apparemment j'avais enfreint le "onzième commandement", le plus important pour les Témoins de Jéhovah: "Tu ne dois jamais faire une mauvaise publicité à l'organisation" !). Peu après la diffusion de l'émission Dateline, mon fils et sa femme se sont rendus à New York pour entendre, personnellement, l'opinion des responsables de la Watchtower sur cette affaire. On leur a dit que je n'avais pas compris les règlements de la Société et qu'à cause de mes actions, des milliers de personnes avaient quitté l'organisation, délaissé la Bible et abandonné Dieu. Comme elles se sont éloignées des Témoins de Jéhovah, elles perdront la vie à Har-Maguédon et je serai tenue pour responsable de leur mort. Mon fils et ma belle-fille ont choisi de croire ce que les responsables leur ont dit et depuis ce jour ils ne m'ont plus adressé la parole. Cela fait plus de 3 ans que nous n'avons plus revu notre fils, notre belle-fille et leur jeune fils, notre seul petit-fils. Si nous envoyons du courrier, ou un paquet contenant un jouet pour notre petit-fils, cela nous est toujours retourné non ouverts.

Un nouvel engagement

Quand je repense à ma vie depuis mon baptême comme Témoin de Jéhovah à l'âge de 14 ans, je suis émerveillée par le chemin parcouru. Mon unique désir, à cette époque, était d'aider les personnes à comprendre les mystères de la vie comme l'enseignaient les Témoins de Jéhovah. Maintenant je n'entretiens plus l'illusion que les mystères de la vie puissent être expliqués, ou que l'association des Témoins de Jéhovah soit une religion bienveillante.

               Bien que l'un de mes plus chers amis, Harry Peloyan, m'ait comparé à "Judas" pour avoir rendu public le problème des agressions sexuelles sur enfants au sein de l'organisation des Témoins, je vais poursuivre mon engagement, le reste de ma vie, à partager mes expériences de témoin oculaire privilégié. J'espère que mes paroles aideront les gens à comprendre les secrets cachés de cette organisation religieuse, une religion qui a été très habilement dirigée par son Collège Central depuis 1881. Je fais connaître la vérité de manière à aider d'autres personnes sincères à ne pas faire le même choix malheureux qui m'a conduit à être un témoin oculaire de la malhonnêteté.

Barbara Anderson,

Le 1er mai 2006


Traduction française : Jean-Pierre Huber, février 2008



NB : Le problème de la pédophilie dans l'organisation des Témoins de Jéhovah connaît un nouveau rebondissement en 2012, au cours de l'“affaire Candace Conti”. Les 13 et 14 juin 2012, la Société Watchtower est condamnée par la Cour supérieure du comté d'Alameda en Californie à verser plusieurs millions de dollars de réparation : 21 millions en dommages et intérêts punitifs, et 2,8 millions en dommages et intérêts compensatoires.

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3 commentaires:

  1. Exceptionnel d'honnêteté, de clarté et de franchise ! Merci Barbara, ton témoignage donne un vrai sens à tes engagements et tu peux être fière de toi.

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  2. "C'est en 1998 que je quittai officiellement l'organisation"
    "Mon petit-fils, Luke, est né en 1999 et comme je n'étais pas exclue nous nous sommes régulièrement vus chez l'un ou chez l'autre. "
    Ce n'est pas cohérent...

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  3. Sinon, merci beaucoup pour ce témoignage essentiel ! Quel courage ! Persévérez pour Dieu.

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