9 août 2011

"Les Témoins de Jéhovah restent d'éternels adolescents"




Le témoignage d'une femme Témoin, aveugle et pionnier



1. Comment je suis rentrée chez les Témoins de Jéhovah ?

A l'âge de 31 ans, j'ai moi-même commencé à sortir du monde en entreprenant une étude de la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Je préfère dire : une étude de leurs publications à l'aide de la Bible. Depuis quelques temps déjà, je prenais part à une telle étude chez une dame handicapée, celle-ci deviendra par la suite une véritable amie : "C'est formidable, me dit-elle, je cherche le calme et la paix chez les Témoins de Jéhovah, ces gens sont tellement gentils et chaleureux : pour toi qui cherches une famille, c'est l'idéal".

 J'étais en ce moment en pleine dépression et victime toute désignée pour les Témoins de Jéhovah. Un samedi, en octobre 1983, une dame Témoin de Jéhovah informée de ce que je m'intéressais à la Bible, vient me rendre visite. J'ai écouté. Il faut le dire, j'étais déjà aux trois quarts convaincue. Ce sont les prophéties qui me passionnaient. Et puis, qui ne voudrait pas vivre sur une terre transformée en Paradis, et surtout, recouvrer la vue? Oui, je suis non-voyante. J'ai été séduite par leurs réponses simples.

 Je pensais aussi ; il y a une résurrection et Dieu me rendra la vue et la santé. Mieux encore : si je passe Harmaguédon, le Grand Jour de la Guerre de Dieu, où il détruira tous les méchants, je ne mourrai pas et, j'entrerai directement dans le monde nouveau.

 Je suis entrée rapidement et, je dois le dire, à ce moment-là, avec joie dans l'organisation des Témoins de Jéhovah, une organisation bien structurée. Au début, une fois par semaine, j'étudiais la Bible avec Mme X. Puis elle m'invite aux réunions qui ont lieu le samedi soir dans leur salle du Royaume. Quel accueil! Moi qui me sens rejetée partout à cause de mon handicap, je me trouve à l'aise : tout le monde vient me serrer la main.

2. L'endoctrinement se fait très vite

Au bout de deux mois à peine, j'assiste aux 5 heures de réunion par semaine, 2 heures le mardi, une heure le jeudi, 2 heures le dimanche après-midi. C'est celle du jeudi soir que je préfère, car elle se déroule dans un foyer. Nous y sommes une quinzaine, ce qui permet de mieux nous connaître. C'est à cette réunion de l'étude de livres que je commence moi aussi à lever le doigt pour répondre "à des questions réponses" qui se trouvent en bas de page. Au début, je trouve que cela fait un peu "école", mais très vite je m'y adapte, "Il faut bien de l'ordre me dit-on" si tout le monde répond à la fois, ça n'ira plus. J'accepte tout puisque ce raisonnement vient de Jéhovah.

 Pas de participation aux fêtes : ne plus fêter Noël, les Rois, la fête des mères, celle des pères, plus de Pâques, plus d'anniversaires, "Ce sont toutes des fêtes d'origine païenne". Pour les anniversaires, je suis très surprise : Quel mal y-a-t-il? Je ne comprends pas. Alors, on me montre que dans la Bible, deux anniversaires sont cités et ils finissent dans un bain de sang. "Il n'est pas obligatoire que cela finisse toujours ainsi", disais-je. "Bien sûr, mais il ne faut adorer que Jéhovah, rendre un culte à une autre personne n'est pas bien". Je gobe cette idée. Et c'est ainsi que, vite lait, je deviens une amie de la Vérité.

 Au bout de six mois, sur mon insistance, je commence à prêcher de porte en porte. Je suis pressée de faire connaître cette nouvelle aux personnes, il faut que je leur dise que je viens enfin de trouver la vraie religion : la Vérité. Très vite je m'aperçois que ces personnes, pour la plupart, ne partagent pas cette joie, nous nous faisons mettre dehors, insulter. Je suis souvent découragée en rentrant chez moi. Mon moral remonte très vite lorsqu'on me fait ce raisonnement : "Tu vois, ce n'est pas facile, mais cela te prouve que nous sommes vraiment la Vérité, puisque Jésus dit que les vrais chrétiens seront persécutés à cause de son nom". Ce qui me confirme plus que jamais, que j'ai trouvé la véritable organisation de Dieu.

 3. Organisation très structurée

A chaque fin de mois, il faut remettre un rapport avec le nombre d'heures passées en prédication, de périodiques, livres et brochures placés, le nombre d'études bibliques conduites chez les gens. Je suis fière de remettre mon rapport, car en juin, j'accumule 40 heures de prédication et je place beaucoup de périodiques. Évidemment, je reçois les félicitations des anciens, "C'est bien, tu es en bonne forme spirituelle, continue, Jéhovah te bénira". Les rapports sont faits non seulement pour vérifier notre santé spirituelle, mais surtout pour savoir combien les Témoins de Jéhovah font d'heures dans le monde entier, histoire de se glorifier eux-mêmes. Je m'en apercevrai bien plus tard.

4. Réactions de ma famille

Très vite mes enfants de 9 et 11 ans sont aussi convaincus et se rendent à toutes les réunions. Persuadé que celles-ci me font du bien, Jacques, mon mari, m'incite à m'y rendre quand je n'ai pas envie d'y aller (Le soir je suis très souvent fatiguée). Il est vrai que depuis quelques temps, je suis moins dépressive, je suis bien entourée: les frères et sœurs viennent me voir, m'emmènent me promener, nous invitent à manger et surtout, s'organisent pour m'enregistrer les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous.

 Je ne m'ennuie plus : réunions, prédication, lecture de la Bible, préparation des réunions, et pour moi en plus, transcription en braille. Tout mon temps est occupé, mes convictions s'affermissent. Je crois vraiment, à cette période, que ce sont mes idées. Je ne me rends pas compte que je subis un vrai lavage de cerveau. Oui, ce sont des propos que Jacques me tient, mais je n'y fais pas attention, prévenue par les Témoins de Jéhovah que j'aurai de l'opposition dans ma famille. "Jésus n'est pas venu mettre la paix dans la famille, mais la discorde", Mathieu 10 34-36. Très vite, celle-ci s'installe dans notre couple.

5. Purification avant le baptême

En septembre 1984, je demande aux anciens à être baptisée.


"Non, c'est trop tôt, tu ne peux pas encore prendre le baptême, tu dois d'abord complètement te défaire de ton ancienne personnalité et revêtir l'homme nouveau approuvé par Jéhovah ".

Il me fallait être complètement dépersonnalisée. Maintenant je m'en rends compte.


 Monsieur M. à qui je me confie régulièrement n'ignore pas que mes problèmes familiaux et psychologiques ne sont pas entièrement résolus. Ayant été élevée chez les religieuses, je dois me défaire de tout ce qui touche Babylone la Grande, c'est-à-dire: l'empire mondial des fausses religions. Toutes les religions viennent de Satan.

 Il faut donc jeter tout ce qui s'y rapporte : mes photos de communiante, celles de mon mariage à l'église (sacrilège d'entrer dans ce lieu), statues, médailles, livres religieux, habits offerts ou ayant appartenu à une personne faisant du spiritisme ou étant religieuse. Tous ces objets sataniques doivent être brûlés, il n'y a que par le feu que tout est purifié et que l'on éloigne Satan de sa maison et surtout de son âme.

 En juillet, une religieuse vient m'apprendre à l'aire du rotin, après son départ, je jette donc tout ce qui vient d'elle, tout ce qu'elle a touché. Une somme considérable s'envole ainsi en fumée. Naturellement, et à présent je le comprends, mon mari est furieux. J'en arrive à lui mentir sur la disparition d'objets de valeur comme ma chevalière en or qui vient de ma grand-mère. L'or ne brûle pas, je la jette donc dans le Doubs. Cette perte m'affecte beaucoup mais je me console en me disant que Jéhovah est content que je lui obéisse. Jéhovah passe avant les objets même les plus coûteux.

 Une fois débarrassée de Satan, je peux enfin me faire baptiser et vouer ma vie à Jéhovah, Je prends donc le baptême par immersion complète le 17 lévrier 1985. Je fais maintenant partie de la grande famille universelle de Jéhovah, Tous m'embrassent. "Oh, ma petite sœur nous sommes contents de t'accueillir dans le peuple de Dieu". Je suis très émue et surtout, sincère comme je l'avais été le jour de ma communion à 12 ans.

 6. Après mon baptême les Témoins de Jéhovah ne sont plus les mêmes

Après mon baptême mon étude hebdomadaire s'arrête un peu vite à mon avis. Normalement, je dois étudier un second livre pour mieux être affermie. Mais nous l'étudions déjà à la salle du Royaume. "Ce n'est pas la peine de le faire deux fois", me dit-on. Je dois à présent voler de mes propres ailes. Je ne suis plus un tout petit comme dit la Bible. A mon tour d'enseigner la bonne nouvelle. En mars, je m'inscris comme pionnier, il faut effectuer 60 heures de prédication dans le mois. Il faut une bonne organisation : je sors le matin de 9 à 11 heures et l'après-midi de 14 à 16 heures. Le mercredi je reste chez moi pour m'occuper de mes enfants, Parfois, je les emmène en prédication.

 Le porte-à-porte est très fatigant, surtout pour moi, il me faut une plus grande attention, je dois retenir les présentations des livres et périodiques par cœur, ainsi que les choses qu'il faut dire aux gens.

 Monsieur M. me dit de prier devant chaque porte. J'ai beau le faire, Jéhovah ne me donne pas son esprit. J'assiste pourtant régulièrement aux réunions le mardi soir, spécialement prévues pour nous apprendre à faire des disciples. Cette réunion, l'école théocratique, nous apprend comment répondre aux gens. Nous préparons des sujets. J'en ai fait deux ou trois, puis je ne participe plus. Il faut faire des recherches dans les livres de la Société, je n'y arrive pas seule. Il me faut l'aide d'une sœur, ça me gêne beaucoup. De plus j'ai l'impression de me retrouver en classe, où je dois faire une rédaction. Tout cela manque de naturel. Faut-il faire tout cela pour parler de Dieu aux gens ?

7. Attitude impitoyable des Témoins de Jéhovah à l'égard des faibles

Je me décourage, je sors de moins en moins en prédication. Le soir je suis très fatiguée; Je commence à manquer certaines réunions. Au début, les frères s'inquiètent de mon absence, puis ils en prennent l'habitude. "La sœur L. n'est pas en borne santé, elle pourrait faire des efforts, elle s'écoute sûrement trop elle-même". Les anciens viennent souvent me rendre visite, mais sans résultat. La dépression me reprend, j'ai des hauts et des bas. Je suis toujours convaincue d'être dans la Vérité, mais je n'ai pas souvent envie de sortir en prédication et de me rendre aux réunions. Les problèmes avec ma famille subsistent et je me culpabilise de plus en plus. Je pense, "Jéhovah ne m'aime pas, je ne suis pas capable d'être un bon Témoin de Jéhovah".

 Pourtant, à certaines périodes, mon moral s'améliore. Je prends des antidépresseurs. Personne ne comprend "mes sautes d'humeur" comme ils disent.

 J'entends dire que, si je le voulais vraiment, je pourrais faire comme au début. Il parait que "J'aime bien qu'on s'occupe de moi". Pourtant, tous se rendent bien compte que, lorsque mon état s'améliore, je suis heureuse de servir Jéhovah. D'année en année mon état dépressif s'aggrave et finit par devenir permanent. J'ai l'impression d'étouffer, de ne pas être libre. Pourquoi toutes ces réunions me pèsent-elles ainsi? Je me pose des questions.

 8. Réactions hostiles de mon mari lorsque je refuse d'entrer dans l'église

Nous ne faisons rien comme les autres et, depuis la fin de l'année 1986, mon mari refuse de me copier les Tours de Garde en braille. Il ne m'accompagne plus aux réunions, comme au début. Il perd ses deux parents à trois semaines d'intervalle. Il est très choqué quand je refuse catégoriquement d'entrer dans l'église pour l'enterrement. Je reste dehors avec une dizaine de sœurs qui me réconfortent. Bien entendu, je me rends au cimetière. Mais, mon mari est définitivement contre la secte. Il essaie de me faire réfléchir et, aujourd'hui je le félicite d'avoir insisté.

9. J'entreprends une psychothérapie: réactions négatives des Témoins de Jéhovah

En 1988, j'entreprends, sur les conseils de mon médecin de famille, une psychothérapie. Mon idée n'est pas du tout appréciée par la Société. "Il faut te méfier des psy : ils manipulent l'esprit et risquent de te détourner de la Vérité". Heureusement, je ne cède pas à cette pression. Puisque personne parmi les Témoins n'a réussi à me sortir de ma dépression, il faut bien que je cherche ailleurs. Mon psy, Monsieur A. se rend vite compte que je suis bien programmée, dès que je lui parle des Témoins de Jéhovah. Il essaie de me montrer leur sectarisme. "Vous n'êtes pas libre de vos idées : on dirait que l'on vous a appris une leçon que vous êtes en train de me réciter". Je suis furieuse et je refuse d'écouter ses arguments. Les anciens ont raison : je dois me méfier, ce psy essaie de me détourner. Il est manipulé par Satan qui veut que je quitte l'Organisation- Je suis très perturbée. Je prie Jéhovah, mais celui-ci ne m'entend pas. Ca va toujours aussi mal.

  Je me confie à Monsieur M. 

"Tu ne fais pas assez confiance à Jéhovah, puisque tu préfères te tourner vers les psys pour résoudre tes problèmes. Je ne connais pas de meilleur psychanalyste que Dieu".

 Au bout de 10 mois de souffrance morale insupportable, je suis prise de doute. Je retourne donc chez Monsieur A. Cette fois, je me rends chez lui, armée jusqu'aux dents de versets bibliques, qui pour moi sont irréfutables. A ma grande stupéfaction, Monsieur A. fait tomber mes défenses et mes raisonnements avec une logique implacable: "La Bible n'est pas à prendre à la lettre. Les gens qui ont écrit la Bible ne vivaient pas dans le même contexte". Il est vrai que, depuis quelque temps, je me pose des questions. Surtout au sujet des anniversaires que nous ne fêtons pas. Pourquoi ne pas fêter les anniversaires ? Dans la Bible, il est écrit : "Le fruit du ventre est une récompense, un don de Dieu". Donc il serait normal de se réjouir le jour d'une naissance.

 "Non, me répondent les anciens, seul le jour de la mort est important aux yeux de Dieu. Durant ta vie, tu t'es fait un nom. Dieu sait si tu es juste, si tu lui es restée fidèle. Tandis que le jour de ta naissance, il ne connaît pas les œuvres que tu vas accomplir Tu sais bien que la mort de Jésus que nous fêtons chaque année, est d'une importance capitale. Si le jour de la naissance de son fils avait eu de l'importance, Jéhovah l'aurait fait écrire dans la Bible ".

 Ce raisonnement simpliste me laisse sceptique. Au fur et à mesure que j'avance dans mon traitement analytique, Monsieur A. m'ouvre les yeux.

 10. Visite du surveillant de circonscription

Deux fois par an, nous avons une semaine spéciale où la prédication et les réunions sont intensifiées. Un homme que l'on appelle Surveillant de Circonscription, passe dans toutes les congrégations pour se rendre compte de leur bon état spirituel. Naturellement, ce brave homme est prévenu par les anciens de ma faiblesse spirituelle. Celui-ci vient me rendre visite et la conversation qui s'en suit me laisse complètement anéantie.

"Alors, sœur que se passe-t-il? Tu ne sors plus, tu ne vas pas aux réunions. Tu sais que dans Hébreux J0~25, Jéhovah nous recommande de ne pas abandonner le rassemblement de nous-mêmes comme certains en ont l'habitude. Il me semble que tu pourrais faire un effort. 3 réunions par semaine ne sont pas grand-chose à côté de ce que Jéhovah a fait pour nous. Jésus est mort pour toi aussi, il faut avoir de la reconnaissance ".

"Je ne peux pas, je suis trop fatiguée. Je me sens délaissée. Les frères et sœurs ne viennent plus me voir. Certains refusent même de m'enregistrer des périodiques. Jéhovah n'est pas comme vous le dites. C'est un Dieu d'Amour. Ça m'étonnerait qu'il soit aussi exigeant. Il ne se trompe pas et voit mon état. Il sait que je suis sincère. Pourquoi ne me croyez-vous pas lorsque je vous dis que je ne peux plus vous suivre? Il faut une bonne santé pour être Témoins de Jéhovah".

"Nous comprenons très bien que tu aies beaucoup de difficultés, surtout avec un mari non-croyant et de surplus opposé à ta vérité. Peut-être ne nous mettons-nous pas assez à ta place. Être aveugle est une rude épreuve. Jéhovah le sait et, si tu lui fais confiance, il t'aidera. Mais pour ce qui est des frères et sœurs, tu te plains qu'ils ne te rendent plus visite. As-tu pensé que cela pouvait venir de toi? Ils en ont assez de t'entendre te plaindre et surtout, contester les idées de la Société. A la fin des réunions, pourquoi restes-tu dans ton coin?

"Vous devriez bien comprendre, qu'étant non-voyante, j'ai des difficultés à me déplacer lorsqu'il y a du bruit".

"Au sujet de ta dépression, tes anciens sont là pour t'aider Les frères et sœurs ont leurs soucis. Et puis, ça n'est pas amusant d'aller voir des gens dépressifs, ceux qui sont en bonne forme préfèrent la compagnie de ceux qui sont spirituellement forts".

J'abrège cette conversation, mais il est de mon devoir de la rapporter ici. Elle sera déterminante pour les événements futurs qui m'ont aidée à sortir des Témoins de Jéhovah.

 11. Ma grave dépression après l'exclusion de ma fille

Une fois la porte refermée, je m'écroule sur mon lit. Je pleure, je n'en peux plus. Je ne peux plus être un Témoin de Jéhovah normal. Je ne sers donc plus à rien. Ma solitude s'est encore accentuée depuis l'exclusion de ma fille début juillet. Aucun Témoin n'a le droit de lui adresser la parole. Pour eux, aux yeux de Dieu, elle est morte spirituellement. Quelle faute grave a-t-elle pu commettre pour en arriver à l'exclusion? Elle fréquente un jeune du monde. Les fréquentations ne sont permises qu'entre jeunes Témoins en vue du mariage, et toujours en compagnie d'autres personnes.

 Ma fille ne se rend donc pas à l'assemblée régionale qui a lieu fin juillet. Nous sommes très nombreux dans ces rassemblements. Valérie m'aide à me déplacer et je ne me vois pas me rendre seule à cette assemblée. Je me sens de trop et j'ai peur de rester seule sur une chaise entre les différentes sessions. Toutes ces heures se passent à écouter des discours, même les enfants restent sagement assis sans broncher.

 Ma dernière assemblée remonte à fin juillet 1990. Un après-midi, nous avons étudié un texte sur Babylone la Grande, l'empire mondial des fausses religions. Ce texte virulent sur les religions m'a choqué.

 Pourquoi est-ce que je ne partage pas tout à fait cette joie générale? Je ne dois pas être suffisamment forte spirituellement, je crois. Pourtant, j'aime beaucoup me rendre aux assemblées, mais mon état ne me le permet plus.

12. Période de doute

J'en reviens donc en 1991, l'année de l'exclusion de Valérie. Je me force à retourner aux réunions et, comme il me l'a été conseillé, je ne reste plus dans mon coin. Pendant un mois, certains frères et sœurs viennent à la maison. Mais ça ne dure pas. Très vite, je retombe dans l'oubli. Je comprends enfin, que je ne suis plus intéressante, puisque je n'adhère plus comme il faut à l'organisation. Il faut éviter comme je l'ai mentionné plus haut, "les faibles spirituels", de peur que leur compagnie contamine les forts. "Les mauvaises compagnies gâtent les saines habitudes, 1 corinthiens 15:33".

 Mon mari qui s'aperçoit de mon désarroi et surtout de mes doutes, en profite de nouveau pour semer la bonne graine. Cette fois, j'ai tendance à l'écouter, le doute grandit. J'essaie de défendre mes idées en affirmant que l'organisation de Jéhovah est parfaite, mais que ce sont les hommes qui ne la comprennent pas. Je ne suis plus convaincue de mes paroles. Je suis complètement anéantie.

13. Tentatives de suicide

En octobre 1991, je suis tiraillée, d'un côté par les Témoins, et de l'autre par mon mari et des amis sincères qui essaient de me sortir de cette impasse. Je n'en peux plus. Un dimanche après-midi, je décide de me délivrer de cette torture morale. Qui a raison? Qui a tort? Je ne sais plus! Je ne sais pas pourquoi, avant de passer à l'acte, je téléphone à un ancien qui évidemment, connaissant mon état dépressif, ne croit pas que je vais agir. "Il est vrai, parait-il, que j'ai l'habitude de me faire occuper de moi. Je ne suis qu'une gamine, à ne pas trop prendre au sérieux".

 Barbituriques et alcool font très vite leurs effets. Je me réveille à l'hôpital où je subis un lavage d'estomac. Pendant mon hospitalisation, plusieurs Témoins viennent me voir. Ils ont l'air, cette fois, de comprendre que je ne joue pas la comédie. Mon psychanalyste vient me voir. Mais à quoi bon? Il ne peut me sortir du dilemme où je me trouve prisonnière. Le jeudi, je suis de nouveau chez moi et je me retrouve brutalement confrontée à mes problèmes. Mon état ne me permet pas d'y faire fac. Le lundi suivant, je choisis une solution plus radicale. J'ouvre le gaz. Mais, une heure se passe. C'est ma fille qui ferme la bouteille en rentrant de l'école. Décidément, j'ai la vie dure.

14. Tout se dévoile

Quand je revois mon psy le lendemain, je suis persuadée, je ne sais pourquoi, que je n'attenterai plus à mes jours. Mon discours doit convaincre M. A, car le jeudi je rentre chez moi. C'est la lumière qui se fait en moi. Je sais que je vais en sortir, mais je sais aussi confusément, qu'il me faut quitter les Témoins de Jéhovah. Quel déchirement ! J'ai des amis que j'aime beaucoup et si je me retire, je serai exclue comme ma fille. Je n'ai rien de répréhensible aux yeux de Dieu. Je n'arrive pas à imaginer, que du jour au lendemain, plus aucun témoin ne m'adressera la parole. J'ai été rejetée par ma propre famille, et je n'arrive pas à couper les ponts avec ma famille spirituelle. Mon mari me fait un jour une réflexion qui me fait réfléchir: "Tu n'as plus de visite d'aucun Témoin, ça ne changera pas grand-chose pour toi ".

 En janvier, je remets aux anciens ma lettre de retrait. Mais le lendemain, je me rétracte. Bien entendu, une visite s'en suit. Pourquoi ai-je écrit cette lettre? Qui m'a mis cette idée dans la tête? 

"Ton mari a une mauvaise influence sur toi. L'exclusion de ta fille ne te facilite pas la vie, mais elle enfreignait les règles de Jéhovah. Sortir avec "un garçon du Monde est contraire aux principes bibliques".

 Je dois souligner, qu'entre Témoins, nous nous "entraidons" pour garder la forme spirituelle. Si un frère ou une sœur s'aperçoit que l'un d'entre eux s'éloigne de la bonne conduite, aussitôt le coupable est interpellé par son Témoin oculaire. Celui-ci lui conseille d'aller confesser sa faute aux anciens. Si le coupable ne se dénonce pas, c'est le "Témoin" qui le fera à sa place, pour "son bien spirituel". Le suspect est alors repris à coups de versets bibliques. Je comprends à présent que cette façon d'agir permet une auto-surveillance permanente de chaque Témoin.

15. Je prends enfin la décision de les quitter

J'en ai assez de jouer ce double jeu. Depuis mes tentatives de suicide, mon mari panique lorsque je reprends contact avec certaines "Sœurs". Il a peur que je retombe dans leurs griffes.

 Début avril, je mentionne aux anciens que cette fois, je suis décidée à me retirer des Témoins de Jéhovah. "Je ne suis plus d'accord avec vos idées. Je suis allée écouter le requiem de Mozart, un concert de Noël. Il n'y a rien de répréhensible à tout cela".

 "Tu n'as plus le bon discernement, ni l'esprit de Jéhovah. Si tu persistes dans ce raisonnement, tu es perdue".

Je suis convoquée devant quatre Anciens, "leur tribunal", pour répondre de "mes fautes", ils essaient de me convaincre de revenir dans le "droit chemin". Au cours de la discussion, je leur dévoile que je prends des leçons d'accordéon avec un professeur qui vient à domicile.

 La discussion s'éternise. Pour en finir et hâter mon exclusion, j'ajoute, ce qui est exact, que mon professeur s'intéresse au yoga, à l'hypnose, au spiritisme. Je suis reléguée dans une autre pièce. La délibération dure environ un quart d'heure. Le verdict tombe : mon exclusion en tant qu'apostate sera annoncée dans huit jours à la Salle du Royaume. Pendant ces huit jours je peux encore me repentir, mais je ne cède pas. A la réunion du mardi soir, une annonce spéciale est faite, la même que pour ma fille un an auparavant.

 C'est alors que je pense de nouveau au suicide. Mon psy m'affirme que ces gens ne sont pas des amis : je ne suis plus "Témoin", donc je n'existe plus; je n'étais à leurs yeux qu'une étiquette avec un "titre".

 16. Grâce à l'aide d'un prêtre, je suis à présent libérée

§  Où est l'amour dans ce comportement?
§  L'homme a-t-il le droit d'exclure une personne ou de la condamner à la place de DIEU?
§  Est-ce que tous les humains doivent adorer Jéhovah de la même manière ?

Toutes ces questions me troublent. Je les pose à un prêtre "ami de mon mari". Ce prêtre me démontre que DIEU n'est pas sectaire. Il me donne l'adresse d'une association dirigée par un ancien Témoin. Je reçois des livres et des cassettes et à force de lire et écouter ces ouvrages, je finis par admettre que les TJ sont dans l'erreur. D'ailleurs les fausses prophéties qu'ils ont faites ne manquent pas.

 Petit à petit je remonte la pente, et je ne peux me taire sur cette partie dramatique de ma vie. Il faut maintenant à tout prix prévenir les gens sur le danger des sectes. Et j'ose affirmer à présent que les Témoins de Jéhovah sont bien une secte dangereuse. Ils sont dépersonnalisés. Leur raisonnement est infantile.

 J'ai pu constater que beaucoup de Témoins avaient des problèmes. En entrant dans la secte, ils se mettent à l'abri de toutes difficultés. Ils restent d'éternels adolescents.

 Je me permets de donner un conseil très important : l'endoctrinement est très rapide. Parfois, cela s'effectue en moins d'une semaine. Si vous connaissez une personne qui s'intéresse à la secte, agissez très rapidement. Faites de même si un TJ commence à se poser des questions. Malheureusement, c'est rare. Comme ils n'ont pas le droit de lire d'autres ouvrages que les leurs, il est très difficile de leurs ouvrir les yeux. Cela fait maintenant neuf mois que je suis sortie de la secte, et la déprogrammation est très longue et douloureuse. Il faut que je m'occupe, que je connaisse des gens avec qui discuter. Bref, si je ne veux pas retomber, il me faut aider le plus possible de personnes et surtout les prévenir du "Danger".

 Je tiens quand même à dire que je n'en veux pas aux Témoins de Jéhovah. Ils sont tous des victimes comme je l'ai été moi-même. 


NB : La photo en introduction n'est pas celle de l'auteure de ce témoignage. 

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