Cette nuit-là, un homme étonnamment proche de nous discute avec Jésus comme nous pourrions le faire. Cet homme c'est Nicodème. Il traverse l’Evangile de Jean, du début à la fin. Nicodème est un savant, un docteur de la loi, un Pharisien qui connaît parfaitement les Saintes Écritures et les enseigne au peuple juif. Sa science éminente et son autorité ne l’ont pas rendu imbu de sa personne ni dogmatique, contrairement à nombre de ses pairs. Pour preuve, on le trouve au tout début du ministère de Jésus attentif à son enseignement, après avoir préalablement reconnu en lui le Messie envoyé par Dieu :
« Maître, nous savons que c’est Dieu qui t’a envoyé pour nous enseigner car personne ne saurait accomplir les signes miraculeux que tu fais si Dieu n’était pas avec lui. » (Jean 3:2, Bible du Semeur)
Nicodème sait qu’il prend des risques : Si les autres Pharisiens avaient connaissance de son intérêt pour l’enseignement dissident de Jésus, il ne tarderait pas à perdre son statut de chef religieux et sa crédibilité en tant qu’enseignant. Il passerait en jugement devant le tribunal du Sanhedrin au sein duquel il siège habituellement et serait rapidement exclu de la synagogue et traité comme un « minim », un proscrit (cf Jean 12 :42).
On comprend pourquoi Nicodème se rend auprès de Jésus à la faveur de la nuit. Il serait bien imprudent de sa part qu’il se manifeste au vu et au su de ses compatriotes. Jésus n’en prend pas ombrage, mais il lui révèle des « choses célestes » et lui laisse entrevoir une nouvelle espérance, à laquelle l’application de la loi seule ne saurait lui donner accès. Comment Nicodème pourrait-il jamais imaginer goûter à la liberté du vent, en devenant un enfant de Dieu « né de nouveau » en tant qu’esprit (Jean 3:6-8) ? Cette nouvelle conception de la volonté divine, fondée sur la foi et l’amour, légère comme l’air qu’on respire, contraste tellement avec tous les cérémoniels étouffants et les traditions pesantes de la religion judaïque, coulés dans la pierre des tables de la loi mosaïque et aussi rigides que les imposants piliers du temple de Jérusalem ! Voilà qui doit remuer le cœur de notre homme et agiter ses pensées ! Un jour, c’est certain, Nicodème aura le courage de s’exposer au regard des autres et de venir à la lumière en « communion avec Dieu » (Jean 3:21, Bible du Semeur).
C’est ainsi qu’un peu plus tard on retrouve Nicodème dans une situation inconfortable, écartelé entre ses racines religieuses ancestrales et ses aspirations pour ‘quelque chose de meilleur prévu par Dieu’ (Hébreux 11:40). Jean rapporte :
« Les gardes du Temple retournèrent auprès des chefs des prêtres et des pharisiens. Ceux-ci leur demandèrent : ‘‘ Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ?’’ Ils répondirent : ‘‘Personne n’a jamais parlé comme cet homme. ’’ ‘‘ Quoi, répliquèrent les pharisiens, vous aussi, vous vous y êtes laissé prendre ? Est-ce qu’un seul des chefs ou un seul des pharisiens a cru en lui ? Il n’y a que ces gens du peuple qui ne connaissent rien à la Loi... ce sont tous des maudits ! ’’ Là-dessus, l’un d’entre eux, Nicodème, celui qui, précédemment, était venu trouver Jésus, leur dit : ‘‘ Notre Loi nous permet-elle de condamner un homme sans l’avoir entendu et sans savoir ce qu’il a fait de mal ? ’’ ‘‘ Es-tu, toi aussi, de la Galilée ? ’’ lui répondirent-ils. ‘‘ Consulte les Ecritures, et tu verras qu’aucun prophète ne sort de la Galilée.’’ » (Jean 7:45-52, Bible du Semeur).
Un « maudit », quelqu’un qui n’a rien compris à la Loi, voilà pour qui passerait Nicodème à son tour s’il persistait à prendre la défense de Jésus et à essayer de confronter ces chefs religieux à l’esprit véritable de la Loi, celui de la justice et de la miséricorde divine. De quoi désemparer et effrayer le plus intègre des hommes pieux : s’exposer à la honte publique d’avoir trahi la religion séculaire de ses pairs, de s’être laissé tromper par les enseignements fallacieux d’un imposteur, et plus grave encore, le risque d’encourir la défaveur divine en réinterprétant tout ce que Dieu a révélé jadis à son peuple élu, voilà ce qui est en jeu. Mais Jésus n’a pas manqué de dévoiler l’hypocrisie et l’orgueil que ces hommes dissimulent derrière une belle façade d’honorabilité :
« Malheur à vous, spécialistes de la Loi et pharisiens hypocrites ! Vous vous acquittez scrupuleusement de la dîme sur la menthe, l’anis et le cumin, mais vous laissez de côté ce qu’il y a de plus important dans la Loi, c’est-à-dire la justice, la bonté et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger le reste. Guides aveugles que vous êtes ! Vous avez soin de filtrer vos boissons pour éliminer le moindre moucheron, et vous avalez le chameau tout entier. … Malheur à vous, spécialistes de la Loi et pharisiens hypocrites ! Vous êtes comme ces tombeaux crépis de blanc, qui sont beaux au-dehors. Mais à l’intérieur, il n’y a qu’ossements de cadavres et pourriture. Vous de même, à l’extérieur, vous avez l’air de justes aux yeux des hommes, mais, à l’intérieur, il n’y a qu’hypocrisie et désobéissance à Dieu. » (Matthieu 23:23, 24-27, Bible du Semeur)
Sous peu, les Pharisiens auront raison de cet apostat à la religion reçue de Moïse dont ils se disent les fidèles disciples (Jean 9:28-29). Bientôt, on ne l’entendra plus proférer ses accusations séditieuses qui jettent le discrédit sur leur autorité de représentants de Dieu pour le peuple.
Jésus est mort en maudit, exécuté tel un malfaiteur. Les immenses espoirs suscités par ce Galiléen aux idées et aux actions généreuses semblent s’évanouir à tout jamais ce soir-là. Ses disciples eux-mêmes sont atterrés et ébranlés. C’est pourtant dans ces circonstances que Nicodème va sortir de l’ombre et honorer publiquement celui dont il est sûr que Dieu l’a envoyé, pour le salut des hommes de foi.
Se joignant à Joseph d’Arimathée, un autre membre honorable du Sanhedrin qui a demandé à Pilate le corps de Jésus, Nicodème apporte au tombeau le couteux nécessaire pour l’embaumement, habituellement réservé aux riches, et ce en grande quantité (Jean 19:38-40). Il est probable que ce fait viendra rapidement aux oreilles des Pharisiens qui connaissent l’emplacement de la tombe (Matthieu 27:62-66).
La tradition enseigne que Nicodème devient un disciple du Christ par la suite, baptisé par Pierre, et qu’il est expulsé du Sanhédrin et de Jérusalem, avant de mourir en martyr. La Bible, elle, est muette à ce sujet, comme pour offrir un choix librement consenti à tous les Nicodème et à tous les Joseph modernes qui sont les otages d’un système religieux autoritaire.
Un choix difficile certes, entre d’un côté le confort et la sécurité apportés par une position bien établie, un mode de pensée réglé dans les moindres détails et porté par une fratrie rassurante, et de l’autre une liberté responsable synonyme d’introspection, de tâtonnements, de solitude et de bannissement de la communauté et de son cercle d’intimes. Jésus n’avait-il pas averti ses disciples que leurs ennemis seraient parmi les membres de leurs propres familles (Matthieu 10:36, BFC) ?
Tel est le combat des Nicodème d’aujourd’hui. Elevé dès son plus jeune âge dans la religion des Témoins de Jéhovah, l’auteur de ce blog espère, par la parole écrite et le partage, affermir sa résolution et celle de centaines d’autres Nicodème à prendre fait et cause pour le Christ en dépit des pressions familiales et sociales qui s’exercent sur eux. Comme Paul, les Nicodème de ce siècle ne veulent pas plaire à des hommes, mais vivre en serviteurs du Christ (Galates 1:10). Le but de ce blog est double : s’exprimer avec franchise (Hébreux 10:35) en démontrant l’illégitimité et les dangers d’une autorité collective qui a usurpé le rôle de l’Esprit Saint pour des millions de personnes, et contribuer modestement à défendre la liberté à laquelle Christ nous a tous appelés.
“ Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous libérera. ” (Jean 8:31-32)
“ C’est pour une telle liberté que Christ nous a libérés. C’est pourquoi tenez bon, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de l’esclavage. ” (Galates 5:1)
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“ Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche. Dites seulement des paroles utiles qui aident les autres selon leurs besoins, et qui font du bien à ceux qui vous entendent. ” (Ephésiens 4:29, Parole de Vie).
Sauf indication, les références bibliques proviennent de la Traduction du Monde Nouveau, publiée par la Watchtower Bible and Tract Society.